VERONIQUE GLAZ & BERANGER PAPASODARO

VÉRONIQUE GLAZ  par  Michel Lagrange

Il y a du plaisir à contempler les œuvres de Véronique Glaz pour la raison majeure qu’elle nous parle de l’homme et du monde qui l’entoure. Il y a visiblement chez elle une délicatesse, une tendresse pour les choses les plus humbles… une feuille d’arbre… une pousse de mûrier… Cela montre son respect pour la vie, ce qui est le propre des plus grands. Je songe aux touffes d’herbe d’Albrecht Dürer. Elle nous parle aussi et surtout de l’être humain dans ce qu’il a de plus émouvant, à une époque où l’intégrité de cet homme est remise en question par un art défiguratif, déshumanisant, par une science qui envisage une « intelligence artificielle » carrément inhumaine.

Je regarde les dessins qu’elle nous offre de mains humaines, concentration du geste et de la pensée. Ce sont les paroles de gestes précieux. Le don, l’offrande de deux mains offertes au passant que je suis. On dirait que le dessin devient prière, comme chez Dürer encore. (je songe aux deux mains jointes)

Ainsi, l’art de Véronique Glaz nous parle, nous parle de nous. Elle célèbre le corps humain, sa marche, sa démarche autonome, son entrée dans l’espace et le temps fraternels. C’est un éloge de la vie qui va, de la vérité humaine, du mouvement grâce auquel l’homme est authentiquement, innocemment lui-même. Il s’agit d’une chorégraphie même quand l’artiste ne figure pas des danseuses.

L’art du trait chez cette artiste est fondamental, fondateur. C’est comme si le corps dialoguait avec l’esprit de ces petits personnages, comme si le vide et le plein, le yin et le yang, entraient en complément pour rendre compte d’une vie intérieure. Suppression des anecdotes, des détails superflus. On est aux antipodes d’un réalisme trompeur. Dessiner, c’est savoir effacer, pour suggérer l’inévitable, et donner lieu. C’est offrir au spectateur un travail d’imagination. La vie circule mieux lorsque rien ne l’entrave. Je connais la virtuosité du trait qui fait défaut, dans une efficacité plénière. Si l’on peut penser que le silence est la récompense du poète, le vide et l’absence de trait sont la source d’un envol spirituel.

On voit en effet des êtres humains aller quelque part, voués au silence, à une sorte de recueillement solitaire. Dans une chorégraphie qui n’est pas un pas de deux, mais un solo respectable et profond.

Il s’agit donc d’un art humaniste, d’un art sans souffrance et sans tristesse, psychiquement pur et sain, dépouillé de toute prétention révolutionnaire, d’un art confiant, d’un art à tu et à toi avec l’humanité, notre humanité. Et cela fait du bien en nos temps incertains.

BÉRANGER PAPASODARO  par  Michel Lagrange

Avec Béranger Papasodaro, nous sommes dans un art expressif, empli d’humour et de métamorphoses. Un art où l’imagination est bien la reine des facultés, qui donne à voir ce qu’on n’attendait pas. « Ceci n’est pas une clé anglaise » ! « Ceci n’est pas un boulon » nous dit Béranger Papasodaro, en jonglant avec les apparences d’un boulon, des maillons d’une chaîne, ou d’une clé… devenus, par un tour de passe-passe surréaliste, un visage, une partie du corps, une autre chose. Où est alors la réalité ? Il nous faut accommoder notre regard non tant sur les matériaux réquisitionnés que sur leur vie nouvelle.

Ainsi, les objets les plus banals, les plus formatés, prennent une existence autonome, nous trompent sur leur immobilité, acquièrent un semblant de vie, une âme. Ainsi la prose devient-elle poésie, et nous fait rire ! Oui, un art qui fait rire, tant la surprise est grande et la réussite avérée.

C’est un voyage en absurdie qui nous est proposé, cocasse, avec ces personnages hybrides à la Jérôme Bosch, des personnages, non des choses. Tel est le miracle accompli par ce prestidigitateur qu’est l’artiste. Tel est son pouvoir de transfiguration. Sculpter le métal, le doter d’une vie intérieure et d’un sens esthétique, voire moral : je songe à cet androïde et à son amour déclaré.

Cet homme qui vient vers moi, c’est toute une mécanique qui le compose (je dis « composer » comme en musique), c’est un robot, un personnage de science-fiction ; mais il me tend son cœur et alors j’oublie les matériaux qui le composent et le miracle de l’art agit sur moi, comme sur lui ! Une harmonie nouvelle naît du chaos.

Il y a quelque chose d’enfantin dans le fait de détourner une simple matière première et d’en faire un royaume poétique. Car il s’agit bien de poésie, parce que la poésie est gaîté et se fond dans le rêve, l’humour et la curiosité, et que Béranger Papasodaro nous fait voir l’inimaginable, donne du sentiment à une chaîne de vélo, fait surgir des animaux, des êtres vivants, à partir de simples outils d’atelier. C’est un art humaniste.

Un art joyeusement ambigu : ceci est et n’est pas. C’est un art ludique qui joue avec les objets autant qu’avec notre regard et notre esprit.

 

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