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VERA IVANAJ & FLORIAN ROSIER
VERA IVANAJ
Ce que Vera Ivanaj nous offre à voir au premier coup d’œil ébloui, c’est un régal de vitraux en couleurs, la féérie d’une végétation paradisiaque, d’une ville baroque et vibrante. Une mosaïque de fleurs et de fruits, de vibrations abstraites et sensuelles. Il y a aussi des apparitions de personnages tirés de contes enfantins, facétieux, faussement prétentieux, même pas sûrs d’exister. Car ce paradis sans ombres n’exclut pas l’humour des formes.
Une marqueterie de couleurs en fête issues d’un chaos primitif. Un cycle de saisons généreuses. La peinture du bonheur, à portée de l’enfance. Une partie pour la révélation, une partie pour l’imagination. C’est puzzle et jour de fête, architecture haute en couleurs, labyrinthe en désordre et sans l’ombre d’un minotaure, sans une once de mal. On est dans l’innocence et le royaume intemporel des bienheureux mirages.
Contemplez ces villes enrubannées perçues à vol d’oiseau. Parfois l’abstraction nous éloigne de la raison raisonnante et l’on s’interroge : s’agit-il d’un grouillement d’atomes vus dans un microscope, ou d’une galaxie perçue par un télescope ? Autant d’énigmes à déchiffrer dans lesquelles notre imagination doit se glisser avec bonheur. Qu’il s’agisse de mégalopoles, avec un trafic à la Tati, ou de fonds sous-marins, ou de forêts d’automne, c’est un grouillement joyeux de vie qui s’expose, haute en couleurs, d’avant le temps où les couleurs élaboraient leurs ombres, et généraient leur pesanteur. Car tout ici est léger, je dirais spirituel. Les oiseaux volent en échangeant leurs coloris avec ceux de la végétation. C’est donc une sorte de chorégraphie que Véra Ivanaj élabore, pour le plaisir des yeux et la sérénité de l’esprit, si loin des grisailles contemporaines.
Michel Lagrange
Florian Rosier
Un doux nom de poète ! Florian Rosier ! C’est un maître verrier. Il joue avec le verre comme un jongleur avec ses boules de lumière. Comme un magicien avec le feu dont il est le patron. Il crée des vases où les chemins du rêve se croisent en rubans colorés. Maître de la transparence et de la couleur, maître de la joie de vivre et de créer, il assouplit le verre au point de nous faire oublier sa rigidité, sa pesanteur, son immobilité. Tout devient fluide, coule de source, s’exprime en musique, en courbes insensées, en douceurs féminines.
Il y a dans ses réalisations toute une technique de thermoformage, que lui seul peut expliquer savamment, qui me rappelle un peu la haute technologie que Soulages m’avait expliquée pour ses vitraux de Conques, des grains de verre agglomérés à haute température et cristallisés ainsi. Bref, toute une alchimie qui sublime la matière et la rend merveilleuse. Qu’il s’agisse de vases, de panneaux, tout chez ce maître-verrier est virtuosité pure, une virtuosité qui cache la longue habitude des souffleurs de verre, des sourciers d’une matière qui ne peut plus leur échapper.
Admirez à l’entrée ce panneau noir sur lequel des blocs de verre en relief jouent avec la lumière. Plus près de nous, regardez et admirez cette main en pâte de verre, qui ne peut pas ne pas nous rappeler l’opalescence d’un Lalique. Une main tient dans sa paume une boule régulièrement trouée. L’artiste l’a appelé « le Cauchemar » comme si cette main cherchait à maîtriser ce qui lui échappe encore. Comme toute œuvre hors du commun, cette main peut signifier la création d’un monde en devenir, ou la fin d’un cycle vital. Bref, ces verres sont tout sauf inanimés. Les contrastes du noir et du blanc, les voltiges colorées à l’intérieur du verre, tout cela nous questionne et soulève des questions plus ou moins colorées à l’intérieur de notre esprit. Car il s’agit de la poésie du verre rendue « verrtigineuse », exprimée par une main de maître.
Michel Lagrange