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SHOJI TANAKA – DANY MELLINGER – DOMINIQUE DESORGES


Rarement comme ce soir j’ai éprouvé combien la peinture, la sculpture, sont des moteurs essentiels de dépaysement dans l’espace et dans le temps. Rarement j’ai éprouvé combien l’art contient un immense pouvoir de métamorphoses et d’émotions sensuelles, mentales et spirituelles.
Qu’il s’agisse des compositions de Dominique Desorges, de Shoji Tanaka ou de Dany Mellinger, une adéquation merveilleuse, un acquiescement s’établit aux visions des artistes, à l’onirisme de leur univers ; une révélation s’ouvre en moi.
Les trois artistes de ce soir sont à leur façon des magiciens. Ils transforment la matière dite « première » et nous offre une célébration toute innovante qui révèle en nos yeux des regards nouveau-nés.

Je retrouve avec bonheur l’univers de Dominique Desorges facilement reconnaissable, car chez lui, on est voyagé par tout un univers qui va plus loin que ses propres apparences. Révélation de l’au-delà, quête lumineuse, orient d’une pensée toujours aux aguets. C’est une vision haute en couleurs qu’il nous offre, une vision mythique, voire mystique. L’orient a chez lui la pureté de la perle ; c’est un ciel de nébuleuses plénières. Même la forme de ses tableaux refuse la rigueur géométrique, autrement dit « prosaïque », au profil de la clé des songes. Son univers est flamboyant, comme ses cadres, mais surtout comme ses personnages confrontés à leurs propres désirs, à leur propre destin. Chez Dominique Desorges, le spirituel semble l’emporter sur l’anecdote. C’est un visionnaire dont l’art de peindre rejoint celui des anciens, consciencieusement, savamment, religieusement. Un peintre de fascinations, de celles qui emportent et consolent. Qui ne sauraient laisser indifférent le moindre regard consciencieux qui s’ouvre à l’au-delà. L’homme y est en question, entre l’orient et l’occident de ses propres valeurs. Entre le don de soi et le soleil levant. Par exemple, ce tableau où un homme assis tient une lance dont la rectitude se prolonge au-delà de la pesanteur, passe par les ancêtres, et rejoint les astres du ciel. Il y a tout un jeu d’échos qui arrive à ce qui nous dépasse. Et tout cela, dans un style admirable de précisions mystérieuses et de techniques impeccables. Grâce à lui, nous voyageons dans l’espace et dans le temps vital. Dominique Desorges, c’est donc un style, un regard, une présence que sublime la beauté.

Dany Mellinger nous offre un univers pluriel de sculptures qui ont en commun, hors du commun, un rythme, un mouvement, ennemis de la pesanteur. Un univers d’énergies en action, une constante invitation au voyage. Une opération symbolique, stylisée, dans lesquelles, grâce auxquelles, on est voyagé dans des symboles, une vision de la vie où constamment les forces positives sont en activité. Célébration de la vie, générosité du geste, offertoire et spiritualité. Une conquête spatiale qui occupe les places des villes, les murs des maisons, et les panneaux du vent solaire. Cet artiste dit la vie, généreusement, amoureusement. Il situe l’être humain dans un environnement qui l’accompagne et voudrait l’obliger à se dépasser constamment. Souvent l’homme est chez cet artiste en perte d’équilibre. À la pointe des vagues, en complément d’écume, à la proue de son existence. C’est un art du vertige, dans un mouvement d’apesanteur et de défi. Quand ses héros réussissent à se hisser au sommet d’eux-mêmes, ils sont à la cime, dans un bonheur hymnique, solaire. Voilà pourquoi l’art de Dany Mellinger est un art humaniste.

Shoji Tanaka nous vient de loin. Non seulement dans l’espace japonais, mais dans le temps historique. Son œuvre est un autre voyage encore. L’art est chez lui aussi le domaine du « pourquoi pas », où tout est possible. Il nous offre un univers fantastique, fantasmé, où la raison n’a pas toujours raison ; c’est un théâtre de l’aberration heureuse dans lequel les êtres et les objets veulent dire des choses. Ses associations d’images deviennent des associations d’idées, de pensées, de cultures. On est dans le légendaire, dans le mythe, dans le fantasme. Dans l’éclatement de toutes nos cloisons. Junon, avec son paon, Vénus avec sa nudité, la Vierge avec son auréole, c’est une même femme étrange et envoûtante. Ses paysages sont impossibles et pourtant plus que vrais. On y croise un chien, un lapin, une barque végétalisée, une colonne inclinée. Tout cela fait sens au-delà de notre logique. Comme chez Jérôme Bosch et les peintres surréalistes. Il y a dans certaines de ses toiles une clé suspendue, hors de portée (portée musicale bien sûr !). Quelle porte ouvre-t-elle ? quel message va-t-elle délivrer ? Il s’agit d’un onirisme vagabond, et du mystère de l’être humain. Chez Shoji Tanaka, le sommeil de la raison n’engendre pas des monstres, mais les faces cachées de nos désirs profonds. C’est la Vénus de Botticelli revue et corrigée par la psychanalyse. C’est Narcisse amoureux de lui-même, au grand désarroi d’Écho et de notre soif de liberté. C’est en nous, c’est à nous qu’il appartient de découvrir la silencieuse profondeur de nos désirs secrets que l’artiste dévoile et transcende.

Ces trois artistes ont bien en commun un grand pouvoir de séduction grâce à un style qui est métamorphose, vision, transport. Artistes impeccables, ils donnent à ce qu’ils voient un pouvoir tel qu’on en oublie la prose, la raison, la mesure. On est en poésie, en démesure, en odyssée. Ils réinventent un monde à leur image, porteur de vérités humaines, spirituelles. Ils savent unir les tons dans une tonalité globale, porteuse, féconde. Ils évoquent l’invisible, le surnaturel qui est en nous et que souvent nous ignorons. Avec eux, le légendaire n’est pas du non-réel, mais du plus-que-réel.
Dans une époque comme la nôtre, qui a souvent perdu le sens des valeurs et la hiérarchie des talents, les artistes sont souvent condamnés à n’être que des solitaires, des marginaux qui cultivent un sens certain de la liberté créatrice, existentielle. Grâce à eux, nous sommes à l’abri de la pesanteur et de la mort terrestre. Ce pourquoi il nous faut leur exprimer notre reconnaissance et notre bonheur d’êtres humains.
Michel Lagrange








