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10 ANS – PETER LIPPMANN & MAGALI NOURISSAT
MAGALI NOURISSAT par MICHEL LAGRANGE
L’art de Magali Nourissat joue des paradoxes. Pour un sculpteur, donner vie à la matière est un constant défi. Donner vie et âme à l’inerte, à l’imperméable, à l’hermétique. Offrir une permanence à ce qui périt, une chaleur sensuelle, voire spirituelle au matériau le plus compact. C’est un défi, celui de tout créateur digne de ce nom. Sans doute, le fait que le sculpteur ici soit une femme rend les choses plus faciles, plus « naturelles ». Comme si une sensibilité supérieure à la normale entrait en coïncidence avec la matière. À ce compte-là, tout créateur contient une part de féminité exigeante. Et cette féminité, on la retrouve dans nombre de sculptures de Magali, en bronze, en plâtre, en ciment, en pierre, en bois. L’art du sculpteur est de se servir au mieux de son matériau tout en nous faisant oublier la matière, au profit de l’esprit des êtres.
Le mieux disant de cette création, c’est le plus exigeant : la représentation des visages. Rien n’est plus difficile que de rendre présent, vivant, perméable aux sentiments, ouvert aux états d’âme, un visage résumant et sublimant l’humanité. Il y a dans un visage quelque chose de sacré qui dépasse les apparences et le contour des traits. Car il s’agit de créer une âme, de la révéler, de faire émerger une force ou une sérénité. Magali Nourissat aime les visages pour ce qu’ils offrent de sentiments. La majeure partie des œuvres exposées ici sont des visages. Souvent féminins, parfois maternels. Il est question d’amour dans ces œuvres. De silence. D’intériorité. De bonheur aux yeux clos. Sauf de rares exceptions où la douleur est patente. Dans cette admirable « Déposition » en particulier. Ou dans cette autre, dont les bras croisés au-dessus de la tête signifient l’accablement de l’homme dépassé par ses propres défaites. On dirait que chez Magali Nourissat le bonheur est le dépassement d’une douleur, par un acte de foi dans la vie, dans le partage, dans la compassion.
Ainsi, une tête de Bouddha doit être riche d’une vie intérieure qui l’illumine sans quoi elle ne serait qu’une figure de proue anonyme et pesante, une âme morte. Sculpter à ce niveau d’exigence, c’est un art où le silence a des profondeurs qui sont des altitudes.
PETER LIPPMANN par MICHEL LAGRANGE
Peter Lippmann est un magicien, un guérisseur. Il opère sur nos yeux une métamorphose telle que cela ressemble à une révélation. Nous avions un regard jauni par les habitudes, effleurant la surface des choses, un regard usé par l’impression des apparences. Or, avec son œil de photographe, il nous révèle un univers que nous croyions connaître et qui prend soudain un relief, une force, un pouvoir d’attraction exceptionnels. Il nous fait voir. Il nous fait découvrir. Nous étions mal voyants et ne le savions pas.
Ce que le français appelle impudemment « nature morte », et qu’il faudrait appeler « nature silencieuse, immobile » (still life), Peter Lippmann nous le fait découvrir. Rien de plus banal qu’un fruit d’automne, qu’une grappe de raisin, et pourtant nous les voyons pour la première fois. Cela n’est possible que parce que l’œil du photographe impose à la réalité choisie un ordre, une harmonie, une sublimation, un style.
Il faut dire que son regard est celui d’un poète amoureux des beautés de la nature. Jamais la sainte simplicité des choses n’a pris un tel pouvoir sur nous au point de nous émerveiller. Les couleurs sont amoureuses les unes des autres, et se métamorphosent en lumière, une lumière qui paraît émaner du cœur des objets. Car les objets, chez Peter Lippmann, ont une âme qui vient solliciter la nôtre. Au point qu’une sorte de fraternité vient nous unir aux moindres des objets exposés devant nous, au sein d’une sorte de cabinet de curiosité intemporel.
Et il suffit qu’une grappe de raison affiche des flétrissures pour que le tableau rejoigne la classique invention des « memento mori ». Même si l’art et la mort ne vont pas bien ensemble (« l’arte e la morte non va bene insieme » Michel-Ange), l’art est là pour montrer la mort dans un dialogue constamment maîtrisé, dans lequel c’est l’art qui a le dernier mot. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes, chez Peter Lippmann, que celle d’associer ces vanités et le domaine du luxe, le reflet des siècles passés et la modernité somptueuse. De quoi nourrir notre propre réflexion, et, quelque part, nous éveiller. Ainsi, ce triptyque où des carcasses de voitures, des épaves, sont envahies par la végétation. Quelle leçon ! Cela nous force à regarder la mort en face et à prendre conscience du pouvoir de métamorphose du temps et de la nature, forces redoutables, inexorables, définitives. À contempler la modernité des objets de luxe en voie de décomposition, cela doit nous émouvoir. Car quand des chaussures, des voitures, des appareils-photo sont en train de se dissoudre, c’est bien de l’homme qu’il s’agit. Peter nous force à regarder notre propre déclin, à ne pas être dupe de notre confort glorieux autant que superficiel. Ce photographe est un philosophe de la lucidité. Et ce qu’il y a d’admirable en ses photographies de décomposition, c’est que même la pourriture est belle. Et que le luxe est provisoire.
Tout un pan de la création de ce photographe est en effet lié à la promotion de produits de luxe, dans l’habillement en particulier. Peter Lippmann donne à ce qu’on appelait jadis la « réclame » ses lettres de noblesse, comme, en peinture, jadis un Toulouse-Lautrec par exemple.
Ainsi, cet art de la composition ne craint pas les audaces, l’humour, les associations d’images ; par exemple, une chaussure de luxe avec une brassée de fruits et de légumes. De cette proximité saugrenue naît une poésie jubilatoire. C’est Marie-Antoinette qui vient de s’échapper du Hameau de la Reine, et qui a perdu sa chaussure, comme Cendrillon ! De quoi réjouir les fanatiques des talons hauts ! Ce sont les compositions hétéroclites, mais parfaitement maîtrisées, bellement mises en harmonie par un Maître du regard, un Arcimboldo photographe, un maestro des partitions sensuelles et poétiques.
Depuis l’ouverture de la Galerie d’Art et d’Or, les mêmes questions reviennent régulièrement :
- Pourquoi ouvrir une galerie d’art ?
- Pourquoi Châtillon-sur-Seine ?
- N’est-ce pas risqué ?
- Pensez-vous que cela intéresse beaucoup de monde ?
- Comment trouvez-vous vos artistes ?
- Comment les choisissez-vous ?
- Est-ce rentable ?
Je pense sincèrement que si je m’étais posé toutes ces questions il y a plus de dix ans, je n’aurais peut-être pas ouvert cette galerie ! Et je ne serai aujourd’hui pas le même ! Mon métier de passeur d’Art ne m’a certes pas enrichi financièrement mais il m’a permis certaines des rencontres les plus incroyables de ma vie. Plus de 180 artistes talentueux et, pour la plupart, formidables ! Le poète et écrivain Michel Lagrange au premier anniversaire de la galerie et qui, depuis, nous permet de dépasser les frontières de l’art visuel à chaque vernissage. Le critique d’art Christian Noorbergen qui, en me faisant confiance, m’a permis de croire en mon projet contre vents et marées ! Sans oublier mon épouse, Agnès, qui poussa la porte de la galerie lors d’une inauguration d’exposition début 2020 et ressorti de l’église de Voulaines-les-Templiers deux ans plus tard avec la bague au doigt…
Mais n’oublions pas les œuvres d’ART :
Jean Dubufet a dit un jour « Sans pain, l’homme meurt de faim, mais sans art, il meurt d’ennui ! ». Je ne serai peut-être pas mort d’ennui mais il ne fait aucuns doutes que je serai passé à côté de ma Vie ! Cette vie que j’ai choisie en suivant mon intuition et cet instinct qui m’a toujours poussé à choisir un métier que j’aime plutôt qu’un métier rentable, une activité passion plutôt qu’une activité raison ! Quitte à ne rien gagner, autant que ce soit entouré de beauté, de talent et d’énergie !?! Charles Aznavour n’a-t-il pas chanté que « la misère est moins pénible au soleil » !?! Il aurait aussi put ajouter qu’elle est aussi plus belle entourée d’œuvres d’Art !?!
A l’heure d’entamer la deuxième décennie d’existence de la Galerie d’Art et d’Or, mon épouse Agnès et moi-même, souhaitons transmettre au plus grand nombre notre passion pour l’Art et les Artistes en continuant d’offrir une nouvelle Exposition toutes les six semaine, en invitant régulièrement des classes du primaire et du secondaire à venir découvrir un Artiste et son œuvre, et en offrant au plus grand nombre la possibilité d’acquérir un livre « rétrospective » des 10 premières années de la Galerie d’Art et d’Or regroupant 80 expositions et plus de 180 Artistes, des photos de leurs œuvres et les présentations et poèmes que Michel Lagrange a écrits à leur intention : www.lelivredart.com/project/galeriedartetdor
PATRICK DUPRESSOIR
Michel Lagrange,
Déjà tout un poème.
Michel l’archange. Celui qui a terrassé le dragon. De tous les anges, le plus puissant. Grâce à lui nous ne craignons plus le mal. Ensuite la grange. Une grange immense où tout au long de ta vie, tu n’as jamais cessé d’engranger la culture, le savoir et surtout une quantité impressionnante d’expériences. La grange est non seulement vaste mais elle est pourvue de plusieurs portes et fenêtres te permettant, certes d’engranger mais et surtout de transmettre. Une grange tellement ouverte que tu as réussi à trouver la source de la quintessence de ce que tu es, de ce que tu deviens par tes expériences et de tout ce que tu reçois. Tu reçois en plein cœur, depuis 9 ans les œuvres de tous les artistes qui sont passés par la galerie et, comme une inspiration que je me permets de qualifier de divine, grâce à des années de travail acharné donnant la main à l’immense sagesse de ton lâcher-prise, tu entres en contact intime avec les œuvres et l’artiste. Nous donnant ainsi une lecture tout en profondeur et émotion. Il est arrivé plusieurs fois, n’arrivant pas à communiquer avec une œuvre qui ne m’inspirait pas, je me suis demandé : « mais qu’est-ce que Michel va bien pouvoir en écrire ». A chaque fois j’ai assisté à un miracle parce qu’à chaque fois tu as réussi à me faire entrer dans le travail de l’artiste par une porte dérobée que mon esprit réfractaire ne me permettait pas de voir.
Tu es un grand homme, Michel. Non Michel, ne ris pas…
Je n’ai pas connu un autre homme avec un tel degrés de résilience, de liberté altruiste, de curiosité inextinguible, de travail acharné. Malgré ton bagage, tu continues à te remettre en question, à douter et rester si humble. Nous avons conscience de la chance que nous avons de te connaître et de pouvoir t’aimer mais le plus fou, le plus merveilleux est que tu nous aimes Patrick et moi en retour. Puisqu’il y a un grand homme, c’est forcément qu’il y a une femme exceptionnelle à ses côtés. Durant presque 60 ans tu as pu et su t’appuyer sur l’amour inconditionnel de Claude afin de réaliser ton œuvre. Tu puisais dans son cœur débordant l’inspiration et l’énergie qui t’était nécessaire. Aujourd’hui c’est différent. Tu lui rends, comme tu le dis souvent tout ce qu’elle t’a donné. Malgré cette épreuve ta créativité ne ralenti pas ; que du contraire : elle y puise une force encore plus grande et une profondeur totalement hors du commun. Je reviens un court instant sur ton magnifique prénom ; ni Claude, ni personne ne craint aucun mal parce que tu y veilles !
Pour ce que tu es, Pour tout ce que tu nous offre, Pour tout ce que vous êtes ensemble Michel et Claude MERCI
AGNES DUPRESSOIR
Hommage à mon collègue et ami Michel Lagrange
Ce qui frappe d’abord, c’est une voix forte et puissante, une voix faite pour franchir la barre du silence et donner le cap au milieu de la tempête des mots. Cette voix ardente et résolue nous entraîne au large des langues communes vers des archipels inouïs, ce sont ceux de l’art et Michel Lagrange nous a déjà emportés et saisis.
Sans crainte, sa parole s’élève là où tout nous porte à la sidération et au mutisme. Il prête ses vocables, soigneusement choisis et sa scansion généreuse et son souffle à nos âmes que la contemplation des œuvres épuise et stupéfie. Notre nef pourrait être celle des fous, si en adroit capitaine, il ne nous indiquait les manœuvres savantes et délicates du langage . Il délivre nos esprits d’une expression dont ils étaient lourds et dont ils souffraient, tant l’art déployé dans l’espace d’une galerie peine à se formuler dans la durée musicale d’une phrase. Le poète seul opère cette transmutation d’un élément à l’autre. Il est l’alchimiste des temps modernes. Et son or audible, nous rend riche d’une substance subtile et infinie.
Voici comment, année après année, artiste après artiste, notre messe païenne est dite, entonnée, célébrée par notre poète devant l’autel de la beauté. Platon l’ancien, dans son Banquet, disait que l’amour c’est : enfanter dans la beauté par la chair ou par l’art en vue de l’éternité. Ce banquet spirituel en cette galerie d’art et d’or, trouve son assise. Car il y a des paroles qui guérissent, et même nous font vivre d’une vie nouvelle et retrouvée.
Si le plasticien donne à voir l’invisible, Michel Lagrange nous fait entendre l’indicible. Et pour cette grâce, nous le louons , car nous ne célébrerons jamais assez le miracle du verbe. Du logos comme disait les philosophes grecs et que Jean l’Evangéliste mettait au commencement de toutes choses.
Cette cérémonie dispensée par Patrick enchante nos esprits, avant que le vin qui pétille dans les flûtes achève dans notre chair la joie. Puisse-t-elle demeurer longtemps, en cette belle demeure où une maitresse de maison nouvelle et pleine de charme : Agnès, ajoute encore du bonheur à notre bonheur.
Te voilà, Michel, à subir ce que tu fais subir, car l’éloge blesse la modestie. Souvent, je le sais tu t’es fait humble parmi les plus humbles sur les chemins de la terre. Des sables brûlants de l’Egypte, aux neiges limpides de l’Himalaya, tu t’es perdu dans l’immensité du monde pour mieux nous revenir, et nous rapporter la saveur des lointains, le sourire des enfants et le salut des bêtes.
Eternel pèlerin d’une quête infinie, je ne sais où tes pas te porteront, mais qu’importe ! pourvu que tu nous reviennes pour partager ici même le sel de la terre et le pain de la vie.
Emmanuel Kromicheff Novembre 2023