PATRICK WYSS

L’UNIVERS DE PATRICK WYSS

Exceptionnellement, la Galerie n’expose qu’un artiste, au lieu des deux habituels. Ce n’est pas pour mes beaux yeux que le galériste m’a épargné un double travail ; ni par charité chrétienne. D’autant que Patrick Wyss offre une telle richesse d’inspirations et d’œuvres qu’il en vaut plusieurs à lui seul. Le défi sera d’ailleurs intéressant de découvrir, à travers bien des sources d’inspirations et de techniques employées ici, une unité qui fait le secret d’un homme et d’un artiste.

S’il s’agit des dessins, des sculptures en divers matériaux, déjà s’impose une des caractéristiques de cette quête esthétique multiforme : Un éloge, une célébration de la vie conçue, libérée, par l’imaginaire, à contre-courant des modes actuelles qui désacralisent l’univers et l’esthétique traditionnels. Chez Patrick Wyss, c’est le ligne qui est une épuration, une idéalisation des apparences, une symphonie, une messe païenne au service de la sainte Beauté. Une quête de l’Harmonie supérieure au chaos, comme l’amour est supérieur au mépris ou aux ricanements. C’est d’un hymne au corps féminin qu’il s’agit le plus souvent, replaçant la femme dans le mystère de la nature, de l’eau vive, du plein ciel, de l’aube des réalités, qui est encore de l’innocence. Souffle solaire, espérance et symbole…

Même quand Patrick Wyss se lance dans l’abstraction, elle est sculpturale, lyrique et jamais inhumaine. Car la matière alors se met à danser, en formes vagues, suggestives, privilégiant la beauté pure des courbes, au seul profit de notre imaginaire et de notre sensibilité. Cet art du linéaire est tout ce qui demeure une fois les anecdotes abolies, une fois le rêve épuisé : une empreinte spirituelle.

Dans les dessins pareillement, ce sont des femmes supérieures qui sont des souveraines, des sirènes, des femmes-muses, en des apparitions dans un noir et blanc haut en couleurs et en vertiges. On entre ainsi dans les rêves gravés au cœur des êtres humains ; des rêves de paix, d’harmonie, de bonheur, d’élévation vers des hauteurs où la pesanteur et l’ombre n’existent plus. Il en va ainsi de cet ange aspiré par le puits de lumière. Bien des femmes ici, on dirait, sont en attente d’ailes.

La création, la récréation, la recréation de Patrick Wyss sont issues d’un univers onirique, érotique, servi par une maîtrise de techniques qui ne sont que les moyens d’atteindre un idéal esthétique majeur et libéré. Même quand l’artiste demande au hasard d’intervenir dans des animations dites « fractales », il garde la maîtrise de l’opération en cours, ce qui n’était pas le cas du « cadavre exquis » cher aux surréalistes, opération à laquelle on pourrait penser alors. Car Patrick Wyss est et demeure seul maître du jeu artistique et spirituel.

C’est peut-être dans ses « rêveries fractales » que Patrick Wyss explicite le secret de son inspiration, qui rejoint celle des authentiques inventeurs de formes ou de mots poétiques. Faire confiance au hasard que l’on laisse agir pour mieux le maîtriser ensuite. On nourrit son inspiration ainsi au bonheur de trouvailles instinctives que l’on dirigera comme on le veut. Un poète en use également avec les mots qui le gouvernent d’abord et le fécondent.

Ainsi, on peut dire que l’œuvre de Patrick Wyss est une œuvre fractale dans la mesure où chaque partie de son inspiration est une image élaborée conformément à un grand tout qui constitue son univers intime et cosmique à la fois. Car son style est une invariance poétique fondamentale. Et toujours on retrouve dans ces opérations cette obsession de la Beauté pure, de la Vérité seule, de l’Harmonie plénière au sein d’une célébration vitale.                                                                                                                                                             Michel Lagrange   juillet 2023

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