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Nicole Brousse & Fitnat Katircioglu
FITNAT KATIRCIOGLU présentée par MICHEL LAGRANGE
S’il y a un reproche à faire à Fitnat Katircioglu, c’est celui de nous emporter dans son univers, sans nous en avoir demandé la permission. Il s’agit d’un enlèvement. D’un rapt. D’une dépossession. Car chacun de ses tableaux nous dépossède de ce qui faisait jusqu’à présent les qualités rassurantes de notre existence. Elle nous arrache à notre époque, à notre raison, à notre identité. L’époque où elle nous emporte, c’est celle des contes, des rêves, des légendes, des matériaux révoltés, du trésor de notre subconscient. Notre raison y perd son latin ! La logique qui nous guidait dans le parcours de notre quotidien explose, et tout devient possible alors. Les aberrations les plus invraisemblables sont devant nous, en nous, tant nous nous enfonçons de bon cœur dans cet univers de l’utopie. Qui sommes-nous quand nous regardons une de ces toiles ? À notre tour, des êtres sans pesanteur, dépourvus d’espace quotidien et de chronologie, puisque des immensités hautes en couleurs nous ouvrent leurs perspectives. Autant de plages, autant d’odyssées anachroniques dont nous sommes les héros, tel Ulysse en haute mer. Autant de mythologies où les soucoupes volantes croisent le chemin d’un dieu grec par exemple…
J’avais l’air de regretter nos vieilles références, bousculées par cet univers magique. Mais il n’en est rien, car si je pèse ce que je perds et ce que je gagne, je suis le grand vainqueur ! J’ai gagné la liberté, un état bienfaisant d’apesanteur, de légèreté d’être, qui est un état de grâce. Aucune ombre au tableau. Aucune noirceur. Uniquement les couleurs dominantes d’un univers spatial, végétal, le bleu, le vert, l’or des sables émouvants… Toutes le nuances du possible.
J’ai droit au paradis, à l’état d’innocence, à la virginité de ma conscience. Je redeviens le Peter Pan des contes anglais. Et il s’agit bien d’une magie, non blanche, encore moins noire, mais des couleurs de l’arc-en-ciel. Paradis retrouvé, lecture évidente des grands mystères de notre destinée, de nos origines, de notre relation avec le monde, avec les autres, de notre devenir. Mieux que les prophéties de Nostradamus, Fitnat Katircioglu nous annonce l’âge d’or des plus belles légendes. Ordre, beauté, luxe, calme et volupté dans ces pages mises en images, grandeur surnaturelle.
NICOLE BROUSSE présentée par MICHEL LAGRANGE
Si je devais trouver un sens aux sculptures de Nicole Brousse, je dirais que plus elle sculpte, plus elle libère ses femmes sculptées de la pesanteur et de l’inertie des matériaux qui les informent.
L’on remarque dans ses sculptures une pesanteur d’abord qui est une présence et l’affirmation d’une force quasiment guerrière chez des femmes qui sont souvent des amazones. Puis, on dirait que ces femmes n’ont plus rien à prouver, et que donc elles peuvent regarder autour d’elles, s’intéresser à l’espace. Alors commence le génial paradoxe de ces œuvres sculptées : l’art du mouvement. Qui est une émancipation. Ce qui passionne Nicole Brousse, c’est le formidable paradoxe de sculpter et de libérer le corps de la femme. De décomposer le mouvement pour le recomposer étape par étape. Un art sculptural et cinématographique en même temps.
Quand on se promène dans les jardins et les parcs où beaucoup de ses œuvres sont installées, on est surpris par des apparitions impromptues, vives, féériques, surgies d’on ne sait où. J’ai même tort de dire « installées » car ces femmes sculptées sont en mouvement, chacune d’elles, ou mieux encore, selon la décomposition de leur mouvement, dans une suite animée. Tout est élan, essor, envol, défi à la matière, à la pesanteur, à l’enfermement. Que de passe-murailles, d’échappées belles, d’espiègleries ! Car ces femmes versatiles et mouvantes jouissent de la vie et remercient la sculptrice qui leur a donné le jour.
S’il y a une constante qui attire l’esprit admirant ces sculptures, c’est qu’il s’agit d’une histoire d’émancipation. D’extase. De sortie de soi. La lutte du corps contre toute espèce d’enfermement. La lutte du corps contre l’espace, la matière, le temps même. Cela me rappelle la belle légende de Galatée, sculptée, puis vivante, pour le plus grand bonheur de Pygmalion.
Remarquez par exemple, et qui a valeur de symbole, le nombre de femmes corsetées, comme prisonnières d’un carcan, qu’elles sont en train de défaire. Elles se délacent, elles se délassent, elles s’ouvrent à un au-delà d’elles-mêmes qui est le légendaire des faunesses, des sirènes, des centauresses, des femmes nues, offertes à l’harmonie des sphères. C’est en vérité une quête mythique, quasiment mystique, de l’au-delà à laquelle ces femmes se livrent, s’offrent, tendent leur corps. Beaucoup sont en train de réussir et de vaincre les lois de l’espace et du temps. Je regrette que les êtres masculins que nous sommes n’aient pas droit à une telle promotion !