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MICHEL BARTHELEMY & GUY DELTOUR




GUY DELTOUR
Guy Deltour est un homme curieux. Au double sens de ce terme. Esprit curieux de découvrir l’originalité des choses ; et esprit plein de bizarreries excentriques, tentatrices. Il aime les choses rares, nouvelles, singulières. C’est un éclectique, amoureux des cabinets de curiosité, des chambres aux merveilles, des arts miniatures.
Il y a quelque chose de paradoxal et même de cruel dans les sculptures de Guy Deltour qui accumulent des livres pétrifiés, sommés de ne jamais s’ouvrir, alors que le livre est le symbole de l’univers nouveau qui éclot à chaque page. Les livres de Guy Deltour sont un univers clos, interdits de pénétration. On dirait que le livre est une idole, que son accumulation devient un totem, un tabou vénérable mais inaccessible.

Et pourtant notre imagination prend le relais de nos yeux corporels et nous donne à découvrir, à déchiffrer ce monde clos. Ce sont des oiseaux mis en cage qui ne demandent qu’à s’envoler une fois la cage ouverte avec la clé de notre imaginaire. Si le livre ne se livre pas, il m’appartient de l’ouvrir en fiction, de pénétrer ses apparences. Vous me direz qu’une statue n’offre que l’apparence et le superficiel. A nous d’aller plus loin, plus profondément, plus haut. Je parle de trompe-l’œil, de trompe l’âme, il s’agit bien de cela. Nous tenons le nom seul et nu de ces livres absents-présents, comme le nom de la rose chez Umberto Eco. À nous de voyager dans l’univers du livre-en-soi. De nous ouvrir au livre clos et de lire entre les lignes notre sens de la beauté, sollicitée par ces œuvres d’artiste. Un livre de Carrare est un oxymore.
Mais il s’agit bien de création artistique, de fantaisie, de fantasmagorie, d’un univers parallèle au nôtre, où tout devient possible, réel, énergique, accueillant.

La question la plus stupide qu’on pourrait envisager devant une de ses sculptures serait celle-ci : A quoi ça sert ? Eh bien, justement cela ne sert à rien. Une rose ne sert à rien, à la différence d’une pomme de terre. C’est le mystère de la création et du plaisir étonnant qu’elle procure, et de la vérité qu’elle envisage. Et c’est tellement vrai que l’on est consentant.
Guy Deltour est un compositeur. Un enfant-prodige pour qui tout est toujours possible. Un enfant sans doute, parce que sa date de naissance est « inconnue » nous déclare son site sur Internet ! De la génération des Meccano-Lego, il invente des « choses » qui sont heureuses de se retrouver ensemble, comme les notes d’une musique harmonieuse.
C’est un bâtisseur de l’imaginaire, l’inventeur du « il était une fois » des contes de fée, des maisons lilliputiennes, des pagodes édifiées à un dieu inconnu. L’infiniment petit de ses objets les rend inextricables, endormis dans un palais des mille et une nuits. Et cela nous donne à nouveau notre esprit enfantin.
MICHEL LAGRANGE


MICHEL BARTHÉLÉMY
Qu’est-ce que la réalité ? Ce que nos yeux de chair nous permettent d’apercevoir ? Ce que nos yeux spirituels nous prêtent, à condition que nous soyons capables de visions ? Nous ne pouvons que constater le prosaïsme que nous offrent nos regards quotidiens, quand ils sont guidés par la simple raison. Mais lorsqu’il s’agit de « dé-lirer », c’est-à-dire de sortir de nos sillons banals, conformistes, paresseux, grevés de préjugés, que de merveilles nous sont offertes !
Michel Barthélémy est un privilégié. Un voyant, un visionnaire. Chez lui, l’imagination est la « reine des facultés » en même temps que la « folle du logis » car elle lui fait cadeau de ses aberrations. Alors, tout est possible. C’en est fini du royaume pesant des apparences fléchées de conventions ! Sous les pavés la plage ! Et vivent le fantastique, le délirant, l’inouï, le non-temps, le non-lieu. Cet art n’est pas mimétique, il est recréation de la Création originelle.

Ainsi Michel Barthélémy nous offre le Pays des Merveilles. C’est le maître du Réalisme Magique, où le réel et l’irréel mêlent leurs eaux habitées de présences, coexistent, et dont le génie du peintre, habile en illusions, se fait le chroniqueur. Adieu la platitude, la pesanteur, le prosaïsme des apparences trop connues pour être vivables, pour être honnêtes ! Et vivent les erreurs et les faussetés dont Pascal accuse l’imagination d’être la maîtresse. Vivent l’abîme attirant, le sondage de l’inexploré, l’effort pour tâter l’impalpable, affronter l’invisible !
Son réalisme fantastique n’est pas seulement le goût pour l’insolite, le dépaysement, la fuite vers l’irréel seul, les prestations de l’impossible. Il est une manifestation de lois originales et naturelles. Chez lui, le merveilleux et le positif ont contracté une merveilleuse alliance. Il nous offre un Ailleurs Absolu. « Seul le fantastique a des chances d’être vrai » écrivait Teilhard de Chardin. La féerie et le vrai, l’extrapolation hasardeuse et la vision exacte se retrouvent en cet univers, comme dans les carnets des navigateurs de la Renaissance.

Michel Barthélémy joue avec les contraintes du monde observé et les possibilités sans bornes de l’imagination. De toute façon, qu’il soit réaliste, fantastique, utopique ou satirique, l’artiste s’affirme contre le monde tel qu’il est. Et ainsi apparaît le symbole qui prend son essor dans une apparence. Telle cette Sagrada Familia, en lévitation. Si nous réfléchissons bien, c’est le propre de tout lieu de culte d’échapper à la pesanteur. Autre exemple, ces grandes orgues, elles aussi en apesanteur, parce qu’elles font résonner le ciel…
« J’ai pris le Bach et suis allé
« Bon Sébastien loin de ma peine…
« La nuit longtemps contemporaine
« A laissé le ciel s’étoiler… »

Michel Barthélémy nous fait croire au miracle d’une Révélation, parce que son pinceau atteint la perfection de l’illusionniste. C’est Jules Verne et l’Apocalypse de Saint Jean de Patmos ! Ce peintre sans frontières me fait penser à un roman japonais de Haruki Murakami que je viens de lire et qui s’intitule « La Cité aux Murs Incertains ». Ce titre irait comme un gant à certains tableaux de Michel Barthélémy. Grâce à lui, nous devenons voyants à notre tour. Parce que sa peinture est poésie, elle est contagieuse. Nous devenons croyants.
Des formes aléatoires, improbables deviennent des réalités sûres d’elles-mêmes, connues et reconnues. Légendaires, dignes d’être lues, profondes, en altitude.
Un de ses héros récurrents est Don Quichotte. Pas étonnant ! Il ressemble comme un frère au peintre, en quête d’un dépassement de soi permanent autant que désolant parfois. C’est le cas de cet Homme-Lumière à genoux, en quête de l’infini, de l’infiniment grand, comme un autre Einstein.
Comme il y a des trompe-l’œil, il existe des trompe-l’âme. Tout est symbole ici, dans la mesure où le visible renvoie à l’invisible, l’ici à l’au-delà, l’altitude à la profondeur, les abysses du fond des mers aux abysses du ciel, le connu à l’inimaginé. Une nouvelle logique a cours, accourt, à laquelle nous sommes tenus de nous rallier, tant le peintre nous en impose. Et nous n’en croyons plus nos yeux de l’habitude ! Et nous devons bénir le peintre qui nous donne à rêver à haute voie, à haute voix, un univers qui n’attendait que nous. Et c’est pourquoi nous nous trouvons chez nous dans cet univers impossible, mis en beauté pour être vrai.
MICHEL LAGRANGE





