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LOU HENIX & GERALDINE LONCHAMPT
Le MOT de MICHEL LAGRANGE
On reconnaît au premier coup d’œil un artiste par la transformation qu’il opère sur les sujets qu’il traite. Géraldine Lonchampt a un style reconnaissable entre tous, reconnaissable de loin, de haut, de près, de cœur.
Un jeu subtil, simplificateur en vue d’un effet décoratif. Attention, simplification ne veut pas dire appauvrissement ! Au contraire ! Simplifier signifie aller à l’essentiel rendu visible, créer un univers non visible autrement. Utilisation d’un graphisme pur, géométrie de l’espace et de la création végétale. Aucun hasard ! Aucune anecdote qui nous détournerait de l’essentiel. L’essentiel, c’est la beauté de la Création, vierge encore des atteintes matérialistes friandes de rentabilité à tout prix.
Géraldine Lonchampt nous ravit, nous emporte au cœur d’une forêt tropicale, luxuriante, habitée de présences enchanteresses, ailées la plupart du temps.
Il s’agit pour nous d’un voyage au-delà du temps et de l’espace connus. Retour au Paradis perdu ! Règne de l’innocence ! Mise en couleurs de la jungle exotique ! Coloris vibratoires, marées verticales, tremblements de lumière, concavités, convexités amoureuses les unes des autres. La géométrisation d’une Création exemplaire, issu du chaos originel. Aucune ombre au tableau ! C’est le dieu des couleurs qui fait jaillir des arcs-en-ciel en permanence. C’est la peinture de l’harmonie heureuse, alors que tant d’artistes contemporains ajoutent de la laideur aux angoisses du monde.
Oui, la peinture de Géraldine Lonchampt est la peinture du bonheur. C’est le monde originel de Paul et Virginie, de Gauguin, de l’exotisme tentateur. C’est la mélodie, car cette peinture est musicale, du bonheur de vivre dans la nature enfin régénérée, et célébrée par une âme innocente autant qu’amoureuse.
LES CHTHONIENS
C’est pieds nus qu’on invoque
En vibrations terriennes
Les divinités de la nuit des temps
C’est à mains nues
Que l’on obtient l’apparition d’empreintes
Où la vérité prend son corps
Thurisaz Algiz Berkana
Ces noms de crépuscule avant le jour
Portés par les courants runiques
Ce sont les primitifs d’une tension vitale
À fleur de peau rugueuse
Regards orientés sans faillir
Vers l’au-delà des temps
Où tout n’est que ferveurs et tremblements primaires
Richesse et force d’un soleil obscur
Chevauchées possessives
À la porte d’un paradis
Brutal et vierge encore
Aurochs au féminin corps-animaux
Communion de la terre et d’un ciel occupé
Par des forces guerrières
Ce sont des hommes d’avant l’homme
Des femmes Amazones
Dont le regard me fait baisser les yeux
Parce que je suis trop civilisé
Pour me mettre à hauteur des nudités originelles
Chamans aux yeux fermés
Ouverts sur l’au-delà
Vous êtes le centre du monde
Chthoniens vous avez par mers et par nuits
Traversé la mythologie du Nord
Et mis bas des constellations
Que le vent désagrège et que vous ramassez
Et vous vous défendez à corps perdu
Contre le lieu commun des jours
Vous deviendrez les familiers de nos nuits blanches
Les fulgurants dont les mains sont
Crispées sur des peurs surmontables
Et sur nos petitesses
Avec ardeur vous qui venez de plus loin que le temps
De plus bas que l’espace
Appartenez à cet ancien Sacré
Auquel je suis bien obligé de croire
Vous certifiez que le Sacré
C’est cette part d’éternité
Que chaque humain porte en lui-même
Et qu’il oublie
C’est d’un passé fulgurant que vous jaillissez
En souvenir d’une profusion d’être
Avant que le monde aujourd’hui
Ne se désenchante et ne se profane
Et il est bon que vos corps mis à nu
Soulignent nos imperfections
Et corrigent nos platitudes
En insufflant de la beauté païenne
Enthousiasmante
Au cœur trop lent de nos passions frileuses
« Chthoniens » est un poème né de la contemplation des sculptures de Lou Hénix. Ce sont des puissances d’outre-nuit, barbares, presque infernales, guerrières, liées à la terre et à ses profondeurs (chthoniennes). Des puissances barbares, païennes, on dirait revenues du pays des morts. Inquiétantes, envoûtantes, fascinantes, plénières.
MICHEL LAGRANGE