KARINE NEUMANN & CREATION NODOISE

L’exposition de Karin Neumann se concentre sur deux thèmes majeurs, les fleurs et les ciels. Les ciels ont en commun une vitalité dramatique, que le vent invisible malmène et renouvelle. Ce sont des ciels échevelés, marmoréens, traversés d’orages et de combats changeants. Combats de l’ombre et de la lumière, de la pesanteur et de la grâce, à laquelle l’azur, rare, prête ses couleurs. Couleurs, douleurs, trouées vertigineuses. Les ciels de Karin sont tourmentés, ils disent l’impermanence et l’ampleur du cosmos. Aux ciels est rattachée la glèbe, où quelques arbres en souffrance se dressent, comme voués aux mêmes combats que les ciels, des arbres qui constituent de petites forêts médiévales squelettiques, assez inquiétantes. La glèbe est rousse, ocre, jaune. Elle montre ses entrailles, comme dans ce champ de fossiles. Là, la terre est ouverte comme sur une table d’opération, elle exhibe sa mémoire, notre mémoire matricielle. Une terre, comme un ciel, à cœur ouvert. Les fleurs, des pivoines, des roses, des tournesols… sont des fleurs plus dramatiques que nature. On dirait qu’elles luttent contre leur propre déchéance, leur mise à mort dans des pots d’argile, à coup de beauté naturelle. Le bain de sang des roses éblouit le regard. Les tournesols sont leur propre soleil. Mais ces ciels, ces fleurs, ces arbres, cette nature, Karin les célèbre avec passion, qui est amour et douleur à la fois. Elle fait chanter un ciel et une terre en une symphonie orchestrée de couleurs essentielles. Elle peut écrire comme une déclaration d’amour « Ma Terre à Moi » sur une peinture pacifiée, ou « L’Estime de Soi » à propos d’un vase de tournesols. Ce qui veut dire sans doute que ces fleurs sont des messagères, qu’elles donneront le meilleur d’elles-mêmes, leur pesant de beauté, leur rayonnement maximal avant de se faner. Ce qui est le propre de tout artiste. C’est donc d’une célébration de la nature qu’il s’agit, d’une profession de foi constante, créatrice d’un style. L’intensité de l’expression renforce, si besoin était, cet acte créateur, cette vision subjective du monde qui fait de chaque tableau un véritable autoportrait de l’artiste.    MICHEL LAGRANGE

Julien Gimié d’Arnaud est un sculpteur. Il ne s’en doute peut-être pas, mais son travail a plus d’un point commun avec le travail de ceux qu’on appelle classiquement des « sculpteurs ». Il exerce une activité artistique, puisque ses œuvres relèvent de l’art, de la quête du beau, décoratif et inventif. Il conçoit dans son esprit des métamorphoses d’objets triviaux, banals, qu’il récupère et qu’il réoriente, auxquels il donne une seconde vie. Le sculpteur classique qui repère, choisit un bloc de marbre ou un tronc d’arbre pour y projeter son idée d’œuvre d’art ne procède pas autrement. Si l’un taille, rabote, pour atteindre son but, Julien Gimié d’Arnaud devine, projette dans le vieil outil ce qu’il pourra en tirer. Il déforme, il soude, il assemble une drôle de silhouette qui fait voir encore le vieil outil, mais métamorphosé en une ballerine, un ouvrier, un dresseur d’escargot, un dragon… Deviner qu’une paire de tenailles va devenir deux jambes surmontées d’un bassin ovale et d’un buste d’homme, cela relève de la création, au même titre qu’un artiste de la pierre et du bois, ou qu’un écrivain qui utilisera tel ou tel assemblage de mots pour engendrer une réalité nouvelle, au même titre qu’un musicien qui utilise des notes pour composer une harmonie… Quand Julien Gimié d’Arnaud sculpte un dresseur d’escargot, l’humour saute aux yeux et fait rire. Il y a non seulement la drôlerie d’un Jacques Prévert enfantin, poète, mais aussi l’habileté d’un artisan soudeur. Je dirais même que certaines de ses figures composées d’assemblages, devenues composites et fort expressives, me font penser aux compositions d’Archimboldo, qui réunit des fruits, des légumes… pour « sculpter » un visage humain. Chez Julien Gimié d’Arnaud, on retrouve cette joie de la composition, ce merveilleux festif, cette imbrication d’éléments disparates destinée à créer quelque chose d’original. C’est ce « quelque chose » qui m’interpelle. Regardons-y de près : nous voyons des ustensiles, des outils, des formes données par leur fonction première, et, en prenant quelque recul, ces objets premiers disparaissent et laissent entrer des personnages. Il y a métamorphose d’une nature morte, hasardeuse, en un nouvel ensemble, une nouvelle réalité. Transformer la matière inerte en des personnage bien vivants, cela s’appelle de l’alchimie, de la magie ! Oui, Julien Gimié d’Arnaud est un magicien qui donne libre cours à l’imagination de l’enfant qu’il a su demeurer. Son art est une source d’étonnement, de jubilation, de bonheur sans pesanteur ni contrainte.              MICHEL LAGRANGE

 

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