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GALKA & MARC RENAUT
LE MOT DE MICHEL LAGRANGE
Un couple qui nous vient du Midi, de Callian, mais qui nous vient de bien plus loin, du pays merveilleux de la Création artistique, laquelle est sans frontières. Dans la réalité Galka est née à Brest, pas notre Brest, mais le Brest de Biélorussie, ou Belarus. Galka est une authentique biélorusse. Je ne connais ce pays que par ouï-dire et je l’imagine froid, sévère,traversé de crachins gris, composé de forêts et de marécages, loin des œuvres colorées qu’elle invente. Mais justement, n’est-ce pas quand le milieu est de grisaille, quand les temps sont pleins d’ombres, que le besoin de dépassement par la couleur se fait le plus urgent, le plus vital ? Et puis, j’imagine que les marécages et les forêts ont quelquefois de sublimes couleurs… Songez à un biélorusse célèbre, natif de Vitebsk, Marc Chagall. Ce que l’on retient de lui, ce sont ses couleurs et la liberté de ses êtres en apesanteur…
Avec Galka, il y a ce jeu, ce besoin de colorer la réalité, de la mettre en dimanche, de jouer avec les coloris de l’innocence, de l’enfance retrouvée.Je me rappelle les films en couleurs « de Luxe », en « Technicolor » de mon enfance, et je retrouve cela dans ses toiles. Peinture naïve ? Oui et non. Méfions-nous de cette naïveté qui est très savante et n’a rien d’un enfantillage ! Quand Galka peint des ours polaires, ils ont pris sur le corps de drôles de reflets d’arcs-en-ciel, de drôles d’aurores boréales ! Quand elle peint des chats, ils sont bottés de bas en haut par des irisations ludiques. Quand elle peint des Pierrots, ils sont vraiment lunaires, et leur mélancolie travaille en paix. Galka donne des couleursà un carnaval d’animaux, tout droit sorti de nos rêveries. Est-ce l’influence de la Provence qui l’oblige à multiplier les couleurs de ceux et de celles qu’elle peint ? Lorsqu’elle fait apparaître une femme nue, les couleurs l’habillent et la métamorphosent en…
-Pardon, monsieur Lagrange, mais cette histoire de corps de femmes nues habillées de couleurs, ce n’est pas nouveau et je pense à…
-À quoi ? À qui ? À l’Odyssée ? À Nausicaa ?
-Non ! Nausicaa a les bras blancs !
-Alors, à qui ?
-Au « Crazy horse Saloon », monsieur Lagrange !!
-Erreur, erreur, vous vous trompez, monsieur ! Il n’y a rien de cet érotisme troublant dans les peintures de Galka!! On est plutôt dans un film de Jacques Demy tel « Les Parapluies de Brest », pardon… « de Cherbourg » ou Peau d’Âne »…Ce sont les coloris d’un conte de fée, ceux d’il-était-une-fois. Rien à voir avec vos fantasmes d’adultes !
Je crois, moi, que ce colorisme vient de plus loin que de l’enfance ! Couleurs contre douleurs. Quand un chat mange un poisson, les couleurs enlèvent toute cruauté à la scène. Pas de réalisme ! De la fantaisie pure et libre. Quand le même chat (et Dieu sait s’il y en a dans les ruelles de Callian !) me tend un bouquet de fleurs, celles-ci ont déteint sur la robe de l’animal ! Et cela crée un univers où l’harmonie fait disparaître les errements du bizarre. Et cela fait du bien, cette évasion au pays des songes !
Un kaléidoscope heureux
D’offrir à nos yeux quémandeurs
Une échappée de rêve
Un coloris d’âge enfantin
Sauvé des eaux du raisonnable
La féérie d’un retour d’innocence
Au Paradis que nous croyions perdu
Marc Renaut, voilà un nom bien de chez nous ! Mais si l’on voulait chercher à tout prix des comparaisons avec les œuvres de Galka, on trouverait ce refus de réalisme lourd et brutal, ce jeu avec les apparences, cette volonté libre de dégager d’une observation réelle un esprit, celui du mouvement, de la synthèse heureuse. Toutes les matières ont été travaillées par Marc Renaut. Le bronze devient aérien, la résine est traversée de courants d’air spirituels,comme un opéra, tel son « Phénix ». Sculpteur animalier, il choisit le poli, non la rudesse, car le poli, c’est la politesse de la forme heureuse, son esprit à fleur de matière. La stylisation, non par les couleurs, mais par les contours, non par les détails triviaux ou anecdotiques, mais par un sens de l’humour, tels ses silhouettes tourmentées par un vent malin, ce passant cornu qui se dissimule dans les plis de sa cape, ou ce Français reconnaissable à son béret et à sa baguette, un peu magique…tel son « Hippocampe » qui n’est qu’une virgule en suspension…Son « Poisson Rouge »se demande encore s’il appartient au monde aquatique, ou s’il est devenu fleur, feuille d’érable en automne, ou grand voilier du ciel…
Sa Méditerranée » est pour les poissons volants l’occasion de traverser le ciel, de la même couleur que la Grande Bleue.
Ce sont les pleins et les déliés d’un univers flottant, qui nous font oublier nos lourdeurs, nos grisailles, au seul profit du plaisir de nos yeux spirituels. Et c’est bien ce miracle d’un univers si haut en couleurs, si vibrant de fantaisies heureuses, qu’accomplissent leurs travaux nés dans leur Atelier-Taupinière du Var !
Quand l’imagination déborde
Elle fait feu de tout bois bienvenu
De toute pierre
Et de tout vent
Sans se prendre au sérieux
Et c’est le seul moyen
Pour le Phénix remis à jour
De reprendre un vol captivant
Bref, l’art de Marc Renaut et de Galka n’est pas tant le reflet de notre monde, qu’un refuge contre les laideurs et le poids de notre univers social et spirituel. Et l’on doit les en remercier !