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DANIEL CHANSON & PIERO CAVALLERI
PIERO CAVALLERI par Michel Lagrange
Ses peintures sont des révélations ; des dévoilements de l’existence ; des interrogations sur notre monde et sans doute sur la place que nous pourrions y occuper. Piero Cavalli nous interpelle, nous montre des no man’s land, hors de l’espace et du temps respirables, dans un rythme cosmique qui n’épargne rien ni personne. Ce sont des paysages, des ciels, des océans, des glaciers, des gouffres, des apparences qui se déchirent, à travers lesquelles on est attiré, on s’évade, on s’oublie, on exulte, on se dissout peut-être. Les échos d’un ailleurs enfin dévoilés à nos yeux spirituels.
On dirait des apocalypses, quand les premiers matins de l’univers avaient des airs de fin du monde, et des besoins d’espace et de temps à prouver. Ce qui règne en ces lieux infinis, ce sont les couleurs émancipées, ces bleus profonds, cette lumière au fond des choses, qui est l’échappée belle d’un univers en suspension.
Entre cet alpha et cet oméga, y-a-t-il un espoir pour des êtres vivants ? La seule représentation d’humains a lieu dans un horizon de terreur : lumière en feu, migrants fuyards, rappel à une actualité brûlante. Ce qui semble confirmer que si cet univers nous attire, c’est afin de mieux nous piéger. Méfions-nous donc de cette Beauté fulgurante ! Pénétrons-la dans la force de notre esprit ! Car la Beauté l’emporte.
DANIEL CHANSON par Michel Lagrange
J’ai jadis beaucoup écrit sur les œuvres de Daniel Chanson. Elles m’ont travaillé, inspiré, remué, fécondé. Je les connais bien ces sculptures de bas-relief et de haute intensité. De haute époque, dirais-je.
Femmes énigmatiques à la tendance avérée de se fondre dans d’autres règnes, et de franchir des horizons où se lève la mythologie. Ce sont des amazones, des cimmériennes, les femmes du roi Lygdamis peut-être, errantes au pays de Tauride, rescapées de la mer d’Azov, installées aux rives du Danube avant de conquérir la toison de nos rêves. Femmes fatales, aux gestes calculés, aux yeux fendus par des méditations secrètes, aux lèvres murmurant des litanies que je ne comprends pas. Femmes servantes, prêtresses de l’Evidence et du Mystère. Car elles vivent au-delà des répertoires officiels, au-delà des atlas géographiques, mais de plain-pied avec nos fantasmes intimes.
Au milieu d’elles, un ange est suspendu, entre veille et sommeil, lui aussi de connivence avec nos désirs d’au-delà. Bref, c’est tout un univers mythique que Daniel Chanson a appris et qu’il nous enseigne. Pour nous remuer, nous féconder, nous séduire en beauté troublante.
Le MOT (coup de gueule) de MICHEL LAGRANGE
Quelle différence existe-t-il entre une ville qui possède une Galerie d’art et une autre qui n’en possède pas ? La même différence qui existe entre un mangeur de pommes de terre et un amateur de rosiers. La même différence qui existe entre un esprit prosaïque et un amant de la beauté.
Châtillon peut se vanter d’avoir en son sein une telle Galerie d’art. Oh, certes, elle n’attire pas les foules, mais la faute en incombe à de nombreux facteurs extérieurs à la Galerie. Notre époque incertaine, les crises qui couvent et les lendemains qui ont oublié d’apprendre à chanter, l’esprit contemporain épris de rentabilité et de matérialisme, tout cela ne fait pas venir les foules ! Juste des initiés, des sympathisants, des fidèles. Qui ne sont pas forcément des acheteurs.
Qu’importe ! Qu’une Galerie soit nécessaire à quelques-uns, le « happy few », et cela suffit à la justifier. En cela, l’aide des autorités, des gestionnaires, est capitale, s’ils tiennent à maintenir cette lumière au cœur de leur cité.
Si l’on se tourne du côté des créateurs, peintres… sculpteurs… la nécessité d’une Galerie est encore davantage évidente. Il s’agit la plupart du temps de créateurs peu connus, les obscurs, les sans-grade, de talents sincères, de bonne foi, éloignés des spéculations mercantiles, des « faiseurs », des amateurs de scandale, et des marchés truqués et des spéculations biseautés d’un certain art officiel. Ici, pas de phénomène de mode, mais la création je dirais basique, humble et fière de donner le meilleur d’elle-même. « Voilà ce que je fais, voilà ce que je suis », disent les œuvres exposées. C’est d’un rendez-vous patient qu’il s’agit. D’une rencontre coup-de-foudre entre une œuvre et un amateur. Et c’est chaque fois merveilleux de pureté et de sincérité. Et toujours le talent des créateurs est à la recherche du talent des clients potentiels.
Je sais des villes, des villages, des bourgs sans importance apparente. On y passe sans s’arrêter. Et pourtant, dans chacun de ces lieux « sans importance », un homme, une femme garde sa lumière allumée en pleine nuit et travaille, en solitaire : peinture, sculpture, musique, poésie, tout un univers se déroule à l’abri des regards. Ainsi, la création artistique est une lampe allumée au front de l’être humain, une affirmation des forces de l’esprit, de la nécessité vitale de la culture. Réjouissons-nous-en ! Et rendons grâce à une Galerie de donner à ces créateurs de passions la possibilité de rencontrer un public.
L’art qui se réfugie dans ces Galeries, qui en a besoin pour s’exposer, est un élément dont nous sous-estimons l’importance. Il est le moyen le plus noble d’exprimer la liberté du faire et du penser dans une société toujours menacée par une mise au pas sans scrupules. Il est toujours trop tard quand une Galerie ferme, et c’est chaque fois un peu de cette liberté qui s’amenuise et meurt.
La devise de la Galerie de Patrick et Agnès Dupressoir résume admirablement le rôle idéal d’une Galerie qui doit « susciter l’inspiration, faire émerger les talents, donner l’envie de créer, d’exposer, d’admirer ». Telle est sa noblesse, son obligation, à condition que nous en soyons dignes.
C’est pourquoi il nous faut soutenir de toutes nos forces une Galerie quand elle a le bonheur d’exister. De toutes nos forces, morales, mentales, voire pécuniaires… La récompense est à la clé ! Une œuvre d’art, compagne de nos jours et de nos nuits, de nos chagrins et de nos bonheurs quotidiens. Une œuvre d’art, un cadeau pour le présent, un pari pour l’avenir. Et cette lumière au cœur de la cité…