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CATHERINE HUERTA – LAURA BOUR – MARTIN BOUR
LE MOT DE MICHEL LAGRANGE
Aujourd’hui, c’est dans une « Galerie des Illustres » que nous allons pénétrer. Place à l’illustration et aux illustrateurs, qui sont des personnalités hautes en couleurs.
Une illustration, c’est un art au service d’un texte, d’une œuvre, mais c’est aussi une correspondance qui s’établit entre une œuvre d’art à part entière et une œuvre littéraire par exemple. Une illustration est une œuvre d’art dépendante et autonome. Pensez aux grands illustrateurs de jadis, comme les Frères de Limbourg, Granville, Gavarni, G. Doré, ou Matisse, Picasso…
Illustrer, cela signifie mettre en Lumière, éclairer (lux : la lumière). Un maître verrier dans une cathédrale est un illustrateur avec ses vitraux. Au Moyen-Âge, pour désigner les peintres et sculpteurs, on parlait d’«imagiers ». Quel joli terme !
Pénétrer dans l’univers de Catherine Huerta, c’est faire un grand saut dans l’espace et dans le temps. C’est oublier nos références, notre échelle des valeurs, nos priorités rationnelles, nos visions d’adultes, ce sérieux triste que dénonce Saint-Exupéry dans son « Petit Prince ». En regardant les illustrations de Catherine Huerta, on pénètre dans un univers enchanté autant qu’enchanteur, privé des lois du rationnel, de la logique, au profit de règles hors limites, sans frontières, qui sont les lois du cœur et de l’imaginaire. Avec l’univers de Catherine Huerta(dont le nom en espagnol désigne une région bien irriguée, fertile, à la culture intensive) on est dans les fleurs et les fruits innombrables. Ce sont souvent des livres pour enfants, qu’elle visite et illustre. Elle « tire la couverture » de ces livres à elle, au seul profit de la magie picturale, poétique.
Mais attention, travailler pour les enfants, cela ne veut pas dire simplifier bêtement, de façon primaire, cela veut dire être soi-même un enfant, regarder et penser comme un enfant, à qui tout et possible. C’est peut-être Alice au pays des merveilles, mais Alice au XXI° siècle ! Dans la fiction de notre imaginaire, tel qu’il paraît au cinéma. Avec Catherine Huerta, on rencontre E. T. mais aussi les Envahisseurs de la guerre des mondes. Les cauchemars ne sont pas loin, les dragons nous attaquent et mettent notre vie en péril. On marche sur des sentiers à risques. Les « Signes de Piste » de notre enfance se sont mis à l’heure des robots. Et cependant cet univers est fascinant, car il est propice aux rêves. La jeune fille au miroir de l’eau se rêve en Cléopâtre, le jeune garçon se verrait bien en Superman ! Tout est possible quand l’Imagination, cette reine des facultés, prend le pouvoir. Et quand le grand talent du dessinateur, du peintre, sublime notre regard et nos pensées. De façon poétique, comme chez Jules Verne ou Edgar Poe.
Oui, on doit parler de poésie en plongeant dans cet univers ! La réalité y est métamorphosée en mystère, le quotidien en aventure, le possible en fiction, la nature en magie… Comme dans les contes pour enfants, tout est possible. Les souris sauvent des poissons guettés par des chats, les dragons pénètrent dans des cauchemars dont on sortira bien vivants et grandis ; on passera de la peur à l’émerveillement, on écoutera les animaux parler… On regardera avec distance et amusement d’autres monstres… Hitler ou Brejnev. On est bien dans cet « il-était-une-fois » de nos contes. Alice est au Pays des Merveilles, les héros d’Andersen sourient aux fées qui les côtoient et les protègent… On n’est pas dans la naïveté, on est dans la merveille. Pas étonnant qu’on ait demandé à Catherine Huerta de réaliser des timbres-poste, car son message est en rapport avec un au-delà qui est plein de correspondances.
On dirait que Catherine Huerta vient d’un pays où toutes les cultures, tous les continents se rencontrent, se mêlent pour le plus grand plaisir de nos yeux et de notre esprit. Quelle belle leçon d’harmonie, de liens essentiels avec la vie, la nature, la mythologie, la spiritualité ! On ne peut que sortir rajeuni, purifié, de ce monde à part qui contient l’essentiel de nos rêves.
Et l’on continue à s’émerveiller lorsqu’on pénètre dans l’univers de Laura et Martin Bour. Je parle au singulier de cet univers à 4 mains, car il est composé de beautés empruntées à la nature, avec la même élégance, la même tendresse pour ce qui vit, pour ce qui fait rêver. Il faut dire que tous deux ont de qui tenir ! Enfants de Danièle Bour, célèbre illustratrice de livres, créatrice de la série du « Petit Ours Brun », cela nous ramène au manège enchanté de notre enfance, aux albums du « Père Castor », à la revue de « Pomme d’Api » etc… Un manège enchanté de nos souvenirs enfantins, revenus d’autrefois.
Laura invente des dessins qui sont autant d’hommages au monde du vivant, aux animaux, aux plantes. Elle associe la précision scientifique à la grâce du dessin poétique. Elle invente une sorte de nature d’avant le Péché originel, un monde où les animaux et les hommes seraient des fraternels.
Quand on regarde ses œuvres, on peut évoquer les nostalgies d’un Walden ou d’un Thoreau, voire d’un Walt Whitman… Même quand elle illustre des recettes de cuisine, elle crée une atmosphère propice à la beauté, comme un fumet issu de la cuisine des anges… Appels à notre gourmandise !Dessins bons pour goûter un arôme onirique !
Il y a chez elle aussi une énorme part d’enfance, qui lui fait voir des animaux, des oiseaux dans un bout de bois qui cesse d’être… un bout de bois… Autant de trouvailles pleines d’humour !
Martin Bour lui aussi appartient à ce monde de l’enfance qui est décidément le privilège des meilleurs artistes ! Quand il dessine, il récupère non seulement ce qu’il aura vu, aimé, interprété, mais aussi cette part de naïveté qui rend ses œuvres familières, au premier coup d’œil. On peut parler de détournement de gravité, de recréation, de récréation, d’intuition, qui est regard du cœur. En chacune de ses créations, on découvre l’humour, la tendresse, l’innocence, autant de facettes d’une sensibilité toujours présente et généreuse. On est bien dans la nostalgie d’un art tribal, totémique, sacré, purifié du sérieux des pesanteurs adultes. Ses oiseaux ne voleront jamais, ni ceux de Catherine Huerta, mais grâce à leur pouvoir artistique et spirituel, c’est nous qui volerons, si nous avons gardé en nous ce pouvoir ailé de l’imaginaire.
En de telles œuvres unies sur les murs de cette Galerie, on ne peut qu’être épatés, rajeunis, voyagés par cet univers aux charmes hors du temps, si loin de nos grisailles pesantes du jour. C’est un salutaire bain de jouvence que nous propose Patrick Dupressoir, et cela tombe bien, et contribue à l’harmonie de nos journées d’été !