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BENJAMIN GEOGEAUD & JANY GAUBERT
JANY GAUBERT par MICHEL LAGRANGE
On reconnaît au premier coup d’œil les peintures de Jany Gaubert à leur style, qui est celui de la tension. D’un certain tremblement, celui de notre condition humaine. Quels que soient les thèmes abordés, quelque chose de dramatique émane de ces portraits. Car ce sont essentiellement des portraits, d’hommes et de femmes. Pas de paysage, pas de fantaisies dues à l’imagination. Non. Des personnages que le peintre questionne sans cesse.
Il n’est pas étonnant que Jany Gaubert se soit récemment intéressé au monde du cirque. Aux circassiens, qui sont aussi un peuple du Caucase. Car le cirque offre à ce peintre un univers dépaysant fort ambigu. Avec ces bêtes de scène, qui ont tôt fait de devenir des animaux d’inquiétude, tels ce rhinocéros qui fait penser à Ionesco, ou ce taureau devenu minotaure crétois, avec ces acrobates, ces saltimbanques, ces dompteurs, ces clowns.
Le clown me paraît incarner sans doute le mieux, le plus intimement, l’univers mental de Jany Gaubert. En effet le clown, le pitre, l’Auguste, est censé faire rire mais il est tragique en soi. Seul, opposé à un comparse cruel qui le malmène et le ridiculise, il est notre condition humaine humiliée, risible, rétrogradée à une chose bonne à être piétinée. En même temps, il est le crucifié de nos désastres. Tragique et comique à la fois. Il me semble qu’il y a un peu de ce dosage dans les portraits de Jany Gaubert, où constamment une part d’ombre vient occulter leur côté lumineux.
Même leur style, un peu tremblé, un peu flou, un peu fiévreux, un peu crucifié, le laisse supposer. Il s’agit de ne pas être dupe de nos limites, de nos sentiments, de notre solitude, de notre besoin de nous exprimer, de nous libérer face à l’autre. Car même la sensualité de certains corps n’est pas gagnée d’avance. Toujours une part de mystère affleure, et tourmente une femme au visage enfoui dans un sac ou bâillonné. On dirait que Jany Gaubert se souvient d’un paradis perdu d’avance, dont rêve encore sa sensibilité profonde.
BENJAMIN GEORGEAUD par MICHEL LAGRANGE
C’est un sculpteur, c’est-à-dire quelqu’un qui demande au matériau de représenter en relief, plus ou moins haut, plus ou moins bas, quelque chose ou quelqu’un. C’est là le paradoxe de bien des sculpteurs et de Benjamin Georgeaud en particulier : donner la vie à la matière, le mouvement à l’immobile, la fluidité à la raideur. Le dynamisme à l’inertie d’un bronze. C’est l’art du mouvement, l’éloge de l’apesanteur. Non pas un arrêt sur image, mais un envol sur forme sculpturale. Un art de la métamorphose.
Chez Benjamin Georgeaud, le thème du cirque, des acrobates, l’a incité à représenter cet univers que l’on retrouve aussi donc chez Jany Gaubert. Mais, ce n’est pas du tout le même climat, la même atmosphère dramatique. Au contraire, et c’est en cela que le rapprochement est passionnant, Benjamin Georgeaud met en relief l’aspect féérique, magique du cirque par la mise en valeur des acrobates, des danseuses, des équilibristes. C’est un cirque sans souffrance. Libre cours est donné à la grâce, à l’élégance, à la beauté des corps essentiellement féminins, tout en souplesse, en apesanteur, dans une union avec l’espace et le vertige. Les lois de la gravité sont bannies, on est dans l’audace, dans le merveilleux.
On a donc deux visions de l’univers du cirque, deux visions de l’être humain, dans sa tension existentielle d’une part, sa dimension ludique et gracieuse d’autre part.
Chez Benjamin Georgeaud, le mouvement est essentiel, au point qu’il crée même l’évidement des formes et pousse à l’abstraction, telle que chez Henry Moore. Le mouvement décompose la matière, ouvre les parois, met à nu la nudité du corps. Car il y a chez ce sculpteur une célébration du corps féminin mis à nu, de la beauté corporelle, sensuelle, innocente. Certaines de ces femmes sont les prêtresses d’une célébration tentatrice, érotique, d’une célébration de la vie. Par exemple, cette mère à l’enfant, cette femme enceinte heureuse de porter l’avenir. À l’heure où l’on se désole des statistiques de la dénatalité en Europe, et d’un avenir anxiogène, il est rassurant de contempler cet éloge de la beauté fertile.
C’est ce qui fait de cette exposition une réussite à deux visages, opposés, complémentaires. À deux expressions de la beauté artistique, incomparables mais toutes deux nécessaires à notre regard épris de ferveur.