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ANDRÈ SZULC & MARC BACCHIANA



Présentation de l’exposition par MICHEL LAGRANGE
Ce qu’il y a d’épatant dans une exposition comme celle-ci, c’est qu’on y découvre ce que l’homme a de meilleur en lui, l’expression artistique d’une sensibilité humaine. Rarement comme ce soir, j’ai vu, touché, ressenti aussi intimement les sentiments humains les plus divers. Commençons par le sculpteur Marc Bacchiana.

MARC BACCHIANA
Vous écrivez sur votre site « Se vanter d’un don est illusoire et absurde dans la mesure où il n’implique ni l’intelligence ni le courage ni la volonté de l’individu, cadeau dû au seul hasard des gênes, dont le mérite ne revient à personne. »
Cela est beau, mais en partie erroné, voire incomplet. Si le talent nous est donné, encore faut-il être capable de le recevoir, de l’affronter, d’en être conscient et responsable. De le faire fructifier et de pouvoir mourir un jour en disant : « Comme j’ai pu ! », ou « comme j’ai dû ! »
Ce qui n’est pas rien dans notre chienne de vie de créateur malgré-soi !
Être homme, c’est être responsable de son originalité singulière.
Il y a chez vous, en vos œuvres, cette originalité qui constitue et fait paraître une drôle de gravité ! Drôle en ce sens qu’elle est pleine de fantaisie, qui est la jeunesse du cœur et de l’intelligence, la liberté de l’imagination, la naïveté de l’autodidacte, d’un homme qui s’est fait lui-même (et en cela, le don est un devoir qui nous oblige).
Votre univers est plein d’humour, de jeux de mains, de jeux de bois sculpté majeur et malicieux, sensuel, voire érotique. Gracieux, baroque, refusant la raideur de la ligne droite et de la gravité et de la pesanteur. Vous aimez le bois, vous le travaillez en cherchant ce qu’il peut vous offrir. Ainsi de cette femme allongée nue dans un tronc d’arbre creux, et cet ensemble représentant la scène de la tentation au Paradis. Le serpent, la pomme, Adam et Ève, tous unis avant l’explosion, l’expulsion, la misère humaine. Et cet ange courroucé qui crie son désespoir, dans un cri d’Edvard Munch, comme s’il savait ce qui attend l’homme chassé du paradis.
On pourrait dire que Marc Bacchiana est un sculpteur aborigène, c’est-à-dire originaire de terres primitives, naïves, intègres, et que dans le hasard d’un tronc d’arbre, il devine l’œuvre future et la laisse venir à lui. Je parlais de « gravité » tout à l’heure. En effet, au-delà de ces fantaisies, on devine un univers humain, fondamentalement humain. Il y a quelque chose du totem en vos bois sculptés, de sacré même dans vos travaux païens, des hymnes à l’âme humaine, des hommages à la créature humaine d’autant plus libre et aux aguets que le Créateur aura disparu.



ANDRÉ SZULC
Il y a dans le travail du peintre André Szulc un univers qui me rend nostalgique, un univers qui n’existe plus que dans l’imaginaire collectif tel que les peintres flamands l’ont représenté et immortalisé dans ce qu’on appelle des « scènes de genre », c’est-à-dire des scènes anecdotiques, ou familières. Scènes de tavernes, de beuveries, de cirque, de liberté franche et gaillarde, pour me pas dire paillarde ! C’est toute une comédie humaine qui est ici présente, dans sa version ludique et débridée. C’était un temps où la société, même la plus humble, savait s’amuser sainement. Une sorte d’âge antérieur à nos décadences, à nos ennuis, à nos solitudes, que veulent divertir de funestes addictions. Et cette peinture des bistrots populaires peut faire songer aux univers de Robert Doisneau, de Francis Carco, de Pierre Mac Orlan…
Le monde d’André Szulc est un monde heureux, affranchi de nos interdits pesants, un monde qui fait aujourd’hui figure d’âge d’or. Truculence, caricature où une certaine vérité humaine s’exprime, haute en couleurs, sans l’esprit de sérieux de bien des professeurs et donneurs de leçons. On est plus près de Rabelais ou de Cervantès, de la farce médiévale, que d’Annie Ernaux ou François Mauriac !
Mais il y a chez ce peintre une pluralité de sèves inspiratrices. C’est un peintre pluriel, dont la diversité de style et d’émotion crée une œuvre aux multiples palettes. Si j’ai évoqué les scènes de kermesse, de théâtre guignol, de chahut festif, à la James Ensor, il me faut évoquer des scènes poétiques, tel ce grand panneau nocturne impressionniste aux amoureux, telle cette scène silencieuse, mystérieuse, de forêt dans la neige, tel cet admirable cheval esseulé, perdu dans la neige de Russie, poignant de désarroi.
Et je dirais que les sentiments exprimés créent leur propre style. Autant les scènes de tavernes sont peintes à grands traits expressifs, expressionnistes, autant les scènes de tendresse sont délicates, tel ce modèle nu en train de poser, ou cette Vénus offerte aux désirs masculins.
Voilà ce qui honore une galerie, une telle liberté de créations plurielles. Voilà qui nous permet d’oublier nos grisailles. Et cela fait du bien, ce retour à l’humanité, dans une époque qui se déshumanise et s’enfonce dans un spleen désastreux.





