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ALIAS LEBAUDY & ERIC DESÈVRE
ALIAS LEBAUDY par MICHEL LAGRANGE
Je suis fort ennuyé pour présenter cet artiste. Non parce qu’il n’est pas présentable, mais parce que j’ai déjà beaucoup écrit sur lui, sur son œuvre, au point que je me demande comment me renouveler ! Tentons le tout pour le tout, faisons semblant de le découvrir ! En fait, le regard neuf est celui que requiert toute œuvre d’art, sinon, prosaïque et superficiel, il regarde passer la création comme un ruminant regarde filer le T.G.V.
Je ne me demanderai plus qui se cache derrière cet « Alias ». Cela ne me concerne pas. Ce qui me regarde, par contre, c’est ce que révèle le noir fondateur d’une carte à gratter, à griffer, à excaver, à féconder. Alias Lebaudy travaille à la pointe de l’âme. Il est l’archéologue « inventant » un trésor, dessinateur d’une géographie et d’une histoire mentales et personnelles. Il fouille un absolu, alias le noir, et l’oblige à la révélation. Il ouvre des fenêtres, il offre des miroirs. Cette révélation, ce sont des aveux, des désirs secrets, des silhouettes féminines, sensuelles, énigmatiques, dont chacune est noire mais belle ( « nigra sum sed formosa ») comme la bien-aimée du « Cantique des Cantiques ».
Chaque apparition est ainsi l’écho d’un soleil intérieur, non pas le soleil de la mélancolie (quoique…), mais le soleil radieux de l’amour d’autrui et de la beauté du monde.
Alias Lebaudy procède par enlèvement de tout ce qui ne lui dit rien. Ce qui naît de l’obscurité, c’est l’idée de la chose et de l’être. Alias Lebaudy fait chanter le noir et le met en couleurs, et le met au présent. Il sait que dans les fonds marins, où il fait noir, circulent des créatures qui inventent leur propre lumière. Telle est sa mythologie intime et personnelle. Tel est son art de la soustraction positive. Tel est le beau symbole d’un artiste pêcheur d’épaves, mendiant de beauté pure, dévoileur de secrets, libérateur d’un chef-d’œuvre enfoui dans les abîmes du noir, un chef-d’œuvre qu’il s’agit de libérer, d’exalter, d’exhausser, de porter en hauteur, d’exaucer, de satisfaire et de combler, d’accueillir favorablement pour le bonheur de nos regards nouveaux.
BRONZE ET MAGMA
La nuit de l’écorce terrestre
A fait jaillir un monde en miniature
Un bloc de lave
À la façon d’un jardin verrier sec et noir
Tranchant comme une lame et lumineux comme un éclair
De la fusion de la douleur
Naquit cette mémoire obscure
Les fossiles d’un feu qui joue les fraternels
Rien de plus étranger à l’homme inexistant
Et rien de plus propice à son envol
Que cette intense apocalypse à portée de ses mains
Me voici tard venu compagnon des gouffres du temps
Inventeur de trésors quasi surnaturels
Et j’en appelle aux noces du magma
Et de ma volonté
Aux fleurs de ce tonnerre enfoui
L’écoulement du bronze a raison de s’unir
Beauté-complicité de la matière et de l’esprit
Un rêve tellurique et pétrifié m’exhorte
Union de l’homme et du torrent qui fut sonore
L’inspiration du silence aujourd’hui
Vient recueillir le feu sacré
De l’autel païen du volcan
Et de mon geste fondateur
C’est être voyagé fidèle à l’esprit du désastre
Et flambant neuf de mon empreinte personnelle
Telle est ma version liturgique
Aux répons lumineux de la terre et du ciel
MICHEL LAGRANGE inspiré par les œuvres d’ ERIC DESÈVRE