Votre panier est actuellement vide !
VITALI SAFRONOV – JANY GAUBERT
Le mot de MICHEL LAGRANGE
Vous avez peut-être vu comme moi récemment à la télévision une œuvre picturale, la première, réalisée entièrement par un ordinateur. C’était un buste d’homme, assez flou, et plus inexpressif que présent. Intitulé « Le Comte de Bellamy », il fut vendu chez Christie’s 380.000 euros. Une œuvre réalisée par un algorithme à partir de données picturales qu’on lui avait fournies. (15.000 portraits pour alimenter l’algorithme !).Un exploit paraît-il du point de vue de la technologie. J’ai vu aussi le premier Rembrandt peint par une machine électronique, résultat d’une synthèse de vrais Rembrandt que la machine avait mixés. Résultat, une œuvre ambiguë, qui ressemblait à un Rembrandt, avait la couleur d’un Rembrandt, mais n’en était pas un !
Rien n’est plus éloigné de l’intelligence artificielle qu’une œuvre d’art.
Ce qui fait la valeur d’une œuvre d’art, ici et ailleurs, aujourd’hui et depuis toujours, c’est l’expression de ce qu’il y a de plus sensible chez l’être humain, de plus novateur, de plus original et profond, de moins formaté, de moins mécanique. Un tableau, une sculpture, un concerto, un poème… ce sont des témoignages de la création humaine, un reflet du génie de l’homme créateur.
Le moindre geste artistique, comme ceux qui nous réunissent ce soir ici, est une preuve que l’homme n’est pas un robot à réflexe, obéissant à des codes extérieurs, un consommateur de denrées superficielles et répétitives.
Le peintre, tel Jany Gaubert, et le sculpteur Vitali Safronov aujourd’hui sont les preuves que l’homme est un être vivant, capable d’orienter sa raison d’être vers la noblesse de la création. Ce qui est rassurant comme jamais. Ce qui explique aussi pourquoi ces vernissages sont de belles occasions de rencontrer des êtres humains, qui ouvrent des perspectives, qui nous permettent non pas un regard unilatéral, mais un échange entre l’art et nous. Une telle rencontre, c’est une sensibilité qui crée, une sensibilité qui reçoit et réagit. Tel est l’échange unique et merveilleux de la création artistique. Aucune technologie ne peut apporter ou remplacer cette flamme originelle.
Considérons un instant les toiles de Jany Gaubert, déjà exposé ici naguère. Ce sont des visages, des corps, non tant idéalisés que saisis dans leur mouvance, leurs ombres et leurs lumières. Lesquelles ombres et lumières sont celles de l’artiste. Il est aux aguets de la vie, amoureux de la présence de l’autre, sensible à ce qui fait qu’un être humain est fragile, vulnérable unique et précieux. Jany Gaubert rêve en couleurs. Le rêve, comme contrepoison d’une réalité insatisfaisante.
Ce peintre est un homme dont on devine les tourments en regardant ses toiles. Cela force le respect, car ce tourment est la source de sa beauté. C’est une prière, à sa façon, à l’égard de la vie que ce peintre exprime à travers la haute voix de ses couleurs. Il y a quelque chose de dramatique dans les peintures de Jany Gaubert. Mais ce drame en couleurs est un aveu d’amour.
Quant à Vitali Safronov, son grand talent nous offre un échantillon de la liberté de l’artiste. Non tant l’amour que l’humour.
J’ai cru longtemps que Vitali Safronov n’était qu’un joueur de football russe! Notre Safronov, lui, jongle avec les formes de la création ! Il y a chez lui un humour qui fait rire, des trouvailles qui forcent l’admiration. Son imagination libre est la reine des facultés, qui lui permet, comme un potache insolent et respectueux à la fois, de refaire la Création. Il marie le végétal et l’humain, le minéral et l’animal. Il joue, il jongle avec la réalité pour créer un nouvel univers auquel il applique son style très personnel. Et cela devient la beauté du mouvement. Telle cette version onirique de Guillaume Tell, mais cette fois-ci, c’est l’espadon qui décoche une flèche à la pomme que tient le héros. Une fantaisie heureuse, un bonheur de vivre !! Rien qui pèse, rien qui pose ! Tout qui voyage, danse et métamorphose.
C’est un autre monde, un nouveau monde qui naît, revu et libéré de sa logique à court terme, trop connue. Oui, il y a de l’humour dans les sculptures de Vitali Safronov, comme dans certaines œuvres musicales de son compatriote Chostakovitch.
Voilà donc deux exemples de la Liberté créatrice, ce qui fait de l’art un univers qui refuse les normes, les voies tracées d’avance ; c’est un espace de liberté, ce qui fait de l’art un univers dont certains politiques se méfient, en certains pays.
Soyons donc reconnaissants à ces deux artistes de nous offrir un exemple admirable de ce que la liberté créatrice peut réaliser, au nom de l’Homme. Soyons reconnaissants à l’égard de cette Galerie, qui ouvre à nos regards un réel espace de liberté et d’originalité. Soyons reconnaissants aux artistes qui ont tant de mal à créer et à vendre dans une époque prosaïque comme la nôtre. Quand il n’y aura plus d’artistes, un ciel de plomb s’abattra sur nos têtes.
En attendant, sachons faire de ces rencontres un moment de vie redoublée, et de bonheur constant. Cela est capital, irremplaçable, à l’heure des replis identitaires et des peurs mauvaises conseillères. Car c’est de l’Homme qu’il s’agit.