JEAN-LOUIS AZENCOTT

JEAN-LOUIS AZENCOTT

Les peintures de Jean-Louis Azencott viennent à notre rencontre et nous appellent par l’éclat miroitant de leurs couleurs et le jeu fantaisiste de leurs formes.

Visages-paysages, dramaturgie de la mise en scène offrant un rôle principal à un personnage dominant, entouré de rôles secondaires. Tensions, nervosités, plaisirs et combats de la vie. Théâtre existentiel, force couleurs, force tensions. Une œuvre s’intitule « Romance sans paroles » ce qui pourrait être le titre de plus d’une peinture, évoquant les pages d’un roman ou d’une bande dessinée haute en couleurs, parfois dramatique, souvent joyeuse. Une comédie humaine. Un théâtre guignol pour enfants majeurs. Un dessin animé pour adolescents rêvasseurs.

Dans ce contexte pictural et dramatique, les personnages relèvent parfois de la dimension onirique. En cela ils sont mieux que vivants, ils se donnent en spectacle, ils sont le reflet de notre temps. Jusqu’à l’apparition du coronavirus, et du déconfinement.

Mais regardons l’aspect dominant de cet univers. Il est une poétisation du monde, une sorte de réconciliation de l’homme et de la nature, de l’animal et de l’humain. Dans ce charivari des couleurs, la tendresse et l’émotion sont conviées à nous attirer. Les chevauchées sont fantastiques, une jument verte et un cheval bleu feraient bien l’amour dans un tourbillon forain, à la Fellini, à la Trémois. Car il y a du cirque avec ce que le cirque évoque de féérie et de drame possible.

Mais cette symphonie des couleurs déborde du cadre des tableaux, et envahit les sculptures qui sont, en trois dimensions, le prolongement crédible des toiles peintes. Ni dans les peintures, ni dans les sculptures, les couleurs ne sont esclaves de la réalité, mais elles s’émancipent de la vraisemblance, elles sont libres, heureuses, et conduisent notre regard et notre esprit non pas dans les reflets de notre quotidien grisâtre et lourd, mais dans la fantaisie d’un univers qui a ses propres lois, flambant neuf, en apesanteur heureuse.

Il y a dans cette volonté de couleurs lumineuses un esprit d’enfance, une croyance aux enchantements réels de l’imagination des contes.

Je dirais même que cette émancipation de la couleur (comme dans la peinture russe du 20° siècle avec Jawlensky, Bogomazov, Malevitch, ou l’expérience du « Cavalier Bleu », ou Chagall), que cette émancipation de la couleur crée un séisme, un tohu-bohu labyrinthique où les formes prennent leur autonomie, où le dynamisme se libère, au point de créer une sorte d’abstraction musicale. Cherchez le cavalier perdu dans un paysage éclaté, où même le cheval est en perdition. Car l’abstraction est un piège tendu à ceux qui jouent avec la réalité.

Bref, un art qui ne se prend pas au sérieux, mais qui rejoint une expérience picturale pleine de réflexions graves. Un carnaval des animaux et des hommes, qu’ils soient vedettes d’un moment ou anonymes et sans autre grade que de devenir les modèles d’un bel univers unique en son genre.

MICHEL LAGRANGE