FADILA MORSLY – MALTE LEHM

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DES  TORSES  ET  DE  L’UNIVERS  par  Michel Lagrange

Les sculptures de Malté Lehm sortent de l’ordinaire de la création artistique. Elles viennent de loin. Elles l’ont échappé belle !  Rappelez-vous le scandale que déclencha en 1877 la sculpture de Rodin, « L’Âge d’Airain » que l’on crut moulée directement sur le corps du modèle.

Les sculptures en question aujourd’hui sont moulées sur des corps de femmes, et quelquefois d’hommes. Il n’y a plus scandale, mais révélation et mystère de la création.

Dans ces sculptures au moins deux réalités se rejoignent: d’abord au niveau de la technologie, l’utilisation des matériaux, du plâtre, de la terre, de l’eau et du feu, par la cuisson dans un four, par l’enfumage même… selon des techniques les plus avancées, qui font du sculpteur un authentique artisan.

Puis, l’œuvre elle-même, qui n’est jamais une copie d’un modèle, mais une création de l’artiste-démiurge. La technique servant à dépasser, poétiser, sublimer, l’idée créatrice de l’artiste. La technique est seconde par rapport à l’effet voulu, l’idée qui prend forme.

Il y a un vrai tour de force dans cette métamorphose de l’objet en création artistique, de la matière ainsi spiritualisée, transcendée, transsubstantiée.

Ce qui peut expliquer le malaise que l’on ressent devant ces œuvres. Elles fascinent, elles expriment une sorte de rêve diurne. Elles nous emportent vers quelque chose de supérieur, vers un monde meilleur que le nôtre. Ne serait-ce que par rapport à notre vie quotidienne marquée par le temps et la mort. Ces œuvres qui nous ressemblent, en ce qu’elles sont humaines, échapperont à la mort. Je sculpte donc je donne une immortalité à la Beauté que j’appréhende.

S’il y a un attrait sensuel, voire sexuel, dans la contemplation de ces torses nus, il m’appartient d’aller au-delà de ces apparences, de ces tentations, il m’appartient de m’oublier, de sortir de moi, de m’ouvrir à la magie de ces simulacres envoûtants, de façon à percevoir le pouvoir objectif de ces œuvres, leur « aura », leur rayonnement, ce qui tremble au-dessus, au-delà de la matière.

Ces sculptures sont évidées intérieurement. Ce vide est important. On peut l’appeler l’ « âme », comme pour les canons, qui sont ici canons de la beauté.

Rappelez-vous le mythe de Pygmalion, ce sculpteur tombé amoureux de la statue d’une belle femme, Galatée, à laquelle la déesse de l’amour Aphrodite donna la vie. Quel beau symbole ! L’art est né de l’Amour. Et la vie naît de l’art.

Il y a de la magie dans la création de ces statues, ce sont des icônes. Leur Beauté a réussi à s’émanciper de leur origine matérielle. Elles s’expriment et nous parlent.

Si le sculpteur décline en autant de versions le torse féminin, et plus rarement celui de l’homme, c’est qu’il porte en lui une vision imaginative du Sacré.

Ces torses nus sont un échantillon d’une forme idéale, sans cesse convoitée, difficile à retenir, toujours à reprendre. Ce sont des apparences, que nous connaissons bien, que nous fréquentons peut-être, mais aussi une perfection spirituelle, idéale, telle qu’on la trouve dans la Grèce classique, amoureuse des  corps nus élevés au rang de divinités.

Car ce culte de la Beauté échappe au  temps, au sculpteur même.

Il y a une continuité d’exigence de perfection entre un Phidias par exemple et un Malté Lehm. Même dévotion à ce qui nous dépasse, à une incarnation partielle de l’Idéal esthétique, porteur d’infini. Nous ne sommes pas dépaysés face à de telles œuvres, qui nous rappellent le désir de Beauté qui nous rassemble ici.

Regarder de telles beautés, c’est satisfaire la sensualité mais aussi la spiritualité humaine, c’est communier avec un paradis dont on garde la nostalgie. De tels torses, ce sont des idoles, des icônes, des promesses de bonheur, chargées de courants positifs, porteurs d’un au-delà vertueux. Car le Beau, c’est le Bien. Y a-t-il une autre morale ?

Fadila Morsly, qui réside souvent à Châtillon, appartient à une réalité historique, géographique, dont la Méditerranée constitue le décor et le point d’envol de son inspiration. Car ce qu’elle demande à son expression artistique, c’est d’en dépasser les frontières, d’en dissoudre les antagonismes, au nom  d’un Idéal, qui la porte au-delà des limites quelquefois douloureuses, car restrictives, surtout quand on vise comme elle le fait, la Beauté spirituelle. Au nom de l’Amour. Elle aussi.

Notre Méditerranée, qu’elle convoque si souvent, est un bouillon, un ferment de cultures, de civilisations plurielles, de fusions, de confusions, d’attractions et de répulsions. Mais le Musée imaginaire de Fadila Morsly embrasse les continents, les cultures, les croyances, en arabesques silencieuses autant qu’éloquentes.

De l’Europe à l’Orient, de la Mésopotamie à New York, dans un syncrétisme, une communion qui nous entraîne et nous oblige à revoir notre propre géographie intime.

Car Fadila Morsly fait le choix, plus fort parfois que la raison, d’un dépassement fertile, d’une ferveur interculturelle, qui relève d’un optimisme généreux, d’un credo humaniste, que l’Art offre à ceux et à celles qui l’investissent d’une mission spirituelle autant qu’artistique, humaine autant que cosmique.

Sans doute, l’influence de l’art arabe a contribué à l’orienter vers la stylisation, l’abstraction, l’architecture conceptuelle, pour passer outre les anecdotes, les apparences, pour aller à l’essentiel, au spirituel, pour extraire par la symétrie, par la simplification, par le rythme, le caractère bouleversant de notre complexité vitale. Par le jeu des courbes, des masses, des volumes, du fourmillement chromatique, Fadila Morsly transpose lyriquement sa vision du monde, et de l’homme dans le monde.

Le monde, voilà la véritable portée de son regard. Elle croit en l’unité de la nature et de l’homme, en l’équilibre dynamique, en l’énergie universelle. Son grand mérite, à mon avis, est de réintégrer l’homme dans le mouvement universel.

Ainsi, elle affranchit l’homme de ses pesanteurs, elle nous montre les rapports de l’individu avec l’humanité, de l’humanité avec la vie planétaire, de la planète avec la galaxie, et le système solaire. Au-delà de l’espace et du temps.

Il y a du mysticisme dans sa pensée, de la poésie dans sa vision. Dans la mesure où, davantage qu’un écho sonore, elle perçoit et recueille toutes les voix du monde, même celles du silence, et nous les rend audibles, et colorées,  en reliefs, avec les plis et replis d’un océan universel.

Et comme tous les poètes, son regard a la pureté d’un enfant. Car on est sensible au côté ludique, innocent de ce regard aimant, confiant, optimiste, qui écrit sur le monde les graffiti de la liberté et de la grandeur de l’homme.

C’est la plus belle mission de l’artiste : créer de l’Espérance, de la  Lumière, lorsque s’accumule le plomb des nuages. L’art est l’enfant de tous les pays, il est universel.

L’Œuvre Nous Unifie. Les trois premières lettres de ma formule reprennent les trois lettres de l’O.N.U… C’est volontaire ! Tout un programme !

Ainsi ces deux artistes, sur des plans différents, nous livrent-ils chacun son Idéal, de beauté, d’élévation, de dépassement humain. Ce qui n’est pas anodin ! Ce qui est à contre-courant d’une actualité trop souvent désolante !

Ce n’est pas la moindre vertu des Artistes, engagés dans leur passion. Des Artistes qui, contre vents et marées, cultivent et font partager l’état d’Amour qui habite leur cœur. Merci à eux !

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