Christine FRAGA-FRENOT & Serge GUARNIERI

SERGE GUARNIERI

Tout art est une métamorphose. Celle de l’apparence en une réalité profonde et inédite. Celle du matériau originel en une nouveauté artistique. Par exemple, un bloc de marbre informe contient un chef-d’œuvre qu’il faut délivrer et mettre au jour.

Serge Guarnieri est un magicien qui utilise la matière la plus grossière, la plus banale, la plus prosaïque, pour en extraire une réalité augmentée, métamorphosée, poétique. Ce métal, ce fer à béton, il lui donne ses lettres de noblesse, il l’extrait d’un usage profane et en fait la matrice de sa créativité artistique. D’une matière froide, inerte, il tire toute une vie fusionnelle, le symbole de notre univers constamment en mouvement.

Si la matière, même inerte, contient une danse des atomes, Serge Guarnieri, dont le nom me fait penser irrésistiblement à un célèbre facteur de violon italien (Guarneri de Crémone) fait de ce matériau un élément palpitant, dynamique, beau à voir et à penser. Pas de lignes droites, froides, mortes, rigides, mais des volutes, des tourbillons, qui nous rappellent la chorégraphie des comètes, la musique des sphères, les floraisons d’astres pris sur le vif, le dynamisme des cellules au cœur de la matière. L’infiniment petit rejoint l’infiniment grand et c’est à nous qu’il appartient de donner une échelle à ces formes dansantes.

Ainsi, le minéral, le végétal, l’humain sont pris dans une frénésie lancée dans l’espace et le temps, grâce à l’imagination du sculpteur, sa sensibilité, son humour, sa poésie. Car il n’y a pas de poésie sans métamorphose des apparences. Du plus petit bonzaï aux météorites solaires, c’est l’univers intégral, en continu et sans rupture. Hommage aux mystères de l’univers visible et invisible, ces œuvres d’art gagnent en esprit ce que la matière perd en lourdeurs prosaïques.

Cela est beau, plaisant, excitant pour le regard et pour l’esprit.

MICHEL LAGRANGE

CHRISTINE FRAGA-FRENOT

Christine Fraga-Frenot se place d’elle-même dans la lignée des Douaniers Rousseau, de Vivin, Séraphine de Senlis, Bombois…. Autrement dit la lignée des peintres naïfs.

Il serait bon de réfléchir un instant à cette appellation d’« art naïf ». Terme que souvent on emploie avec un certain mépris, la naïveté alors étant synonyme de manque d’expérience, de talent, de projet. Autant de préjugés ridicules ! Si les peintres naïfs sont les peintres du dimanche, c’est que chaque jour qu’ils célèbrent est un dimanche. Le peintre naïf regarde le monde avec des yeux d’enfant, une âme innocente, le désir de célébrer la vie quotidienne, urbaine ou rurale. Ils sont des peintres sensibles, ouverts au monde des autres, ils s’expriment en émotions franches.

Fraîcheur, couleurs simples, les toiles de Christine Fraga-Frenot sont faciles à déchiffrer, charmantes, chantantes. C’est un monde de jeunesse, de nature, un monde sans ombres, sans pesanteur, un monde d’innocence, d’avant le péché originel. Pureté, lyrisme, harmonie.

C’est une peinture utopique, le rêve d’un monde de paix, de concorde, de bonté, d’égalité.  Il y a de la ressemblance entre les toiles de Christine Fraga-Frenot et la peinture primitive du Moyen-Âge : même sincérité, même esprit franciscain dans l’amour de la nature, des fraternités, des animaux, même sainte simplicité. L’enfance de l’art, l’art de l’enfance.

Pas une ombre au tableau. Les personnages d’un théâtre guignol bienveillant, une fête foraine, un jour de fête comme chez Tati.

Ce peintre alors me semble, non tant par son origine que par son esprit créateur, une sorte de Don Quichotte qui combat les lourdeurs prosaïques, les bruits de bottes actuels, les banalités quotidiennes, le sérieux des adultes de tout âge. Il y a du Petit Prince chez un peintre naïf comme Christine Fraga-Frenot.

C’est « l’enfance retrouvée à volonté », dont Baudelaire disait que c’était la définition du génie.

MICHEL LAGRANGE