CHANTAL BIR – CHRISTIANE et FRANCOIS LEPOIVRE

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Le mot de MICHEL LAGRANGE

On peut se demander ce que tant de gens viennent chercher lors de ces vernissages, sans pour autant être des clients ! Ce que la société ne leur fournit plus. La Beauté, qui est un appel, la rencontre avec le mystère, la réconciliation du temps et de l’éternité, la fraternité de l’apparence et de l’invisible, bref, quelque chose de flambant neuf, loin du  vieux monde qui a cours dehors.

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Les œuvres de Chantal Bir ne signifient rien en elles-mêmes. Elles valent mieux qu’un sens unique et prosaïque. Elles sont plurivoques, au carrefour béant de l’histoire et du sacré. Sont-elles abstraites ? Oui, dans la mesure où elles échappent à l’histoire pour se tourner vers ce qui nous dépasse. Et nous concerne. Un bouquet de fleurs ne signifie rien. « La Rose est sans Pourquoi » disait Angelus Silesius… et cependant quoi de plus beau, de plus fécond qu’un bouquet de roses ? « Que deviendrait-on sans la rose ? » écrivit Homère. Une toile de  Chantal Bir fait signe. On est face à un kaléidoscope de couleurs amicales qu’il suffit de parcourir d’un regard complice pour l’animer, lui trouver des beautés, nouvelles chaque fois.

On devine, il nous faut déchiffrer, décrypter cet imaginaire.

Si des silhouettes se font visibles, des passants, des maisons, un port de pêche, ce sont des apparitions qui ne pèseront pas. Ce ne sont pas des accidents du hasard, passagers, provisoires, intempestifs. On n’est pas dans le descriptif, dans l’histoire, mais dans un au-delà que la Beauté transforme.

Je pense à des radioscopies qui savent mettre à jour l’invisible, à ces visions microscopiques qui font paraître un univers insoupçonné de cellules, infiniment petit et infiniment grand. Beauté de l’invisible. On est au bord de l’infini là où l’histoire et le sacré ne font qu’une harmonie heureuse. Et où l’au-delà est possible.  Dans le mystère, au sens sacré du terme. Dans le jardin du paradis, perdu et retrouvé.

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Les œuvres de François  Lepoivre ne manquent pas de piquant, même si elles semblent craindre les angles droits.  Ce qui caractérise ses sculptures, c’est un recours à la déformation des corps. Vers une obésité constante, pleine d’humour, c’est-à-dire de légèreté. Art du  paradoxe ! Quand par exemple il sculpte un couple de patineurs aux formes opulentes, on ne pense pas un seul instant que la glace pourrait se fendre sous leur poids et les ensevelir dans des eaux glacées ! De même son couple en barque ne risque pas de chavirer physiquement, mais dans un bonheur quasiment conjugal.

L’obésité de ses personnages est humoristique, sans les lourdeurs systématiques, plombantes, d’un Botéro.  Ici, les formes sont nécessaires à un certain art de vivre en mouvement. C’est l’alliance de la joie des sens et du bonheur de vivre. Quelque chose comme un éloge rabelaisien aux plaisirs de la chair. Un alliage de la force et de la grâce. Je pourrais m’amuser à opposer les formes généreuses des sculptures de François Lepoivre, convexes, aux concavités des sculptures de Giacometti, longilignes ! La difficulté de l’être chez ce dernier, en marche vers je ne sais quel effacement, contre la plénitude de la vie sans complexes chez François Lepoivre. Un bonheur XXL !

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Ce qui surprend dans les tableaux de Christiane Marchal (et une œuvre d’art doit surprendre, sinon elle n’est qu’un faible écho du réel), c’est, outre le mariage des couleurs et des lignes, les différents matériaux qu’elle utilise. Gouache, fusain, pastels, voire cire, sont employés fusionnellement, de façon à jeter le trouble quand on pénètre dans son univers. Quand elle ajoute des collages, des fragments de journaux par exemple, ce monde devient davantage ambigu. C’est une sorte de monde flottant, en apesanteur, qui semble chercher son centre de gravité au profit, curieusement, des sentiments que les personnages expriment. On se trouve ainsi en face d’un relief troublant, comme si les personnages qui en émanent couraient un péril. Mais en cela ils sont nos fraternels.

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