ELIANA MINILLO

DANS L’UNIVERS D’ É L I A N A  M I N I L L O  par MICHEL LAGRANGE

Ancré ouvertement dans les mouvements proches du surréalisme, l’univers d’Éliana Minillo s’est nourri de grands tutélaires, dont elle fait son miel personnel. Cela s’appelle la culture. Ce qui nous relie aux autres pour devenir soi-même.

Rappel du Surréalisme = un dépaysement. Recours à procédés de création automatismes, rêves, inconscient / raison et valeurs reçues, esthétiques, morales…

Ainsi Picasso et Duchamp, Dali ou Henry Moore, entre autres, qui ont révolutionné l’art contemporain, sont bien présents dans les créations d’Éliana Minillo. Qu’elle revisite, avec humour et détournement du sens originel. Avec reconnaissance et parfois un peu d’irrespect. Comme Picasso vis-à-vis de Vélasquez, etc…Offenbach et l’Iliade…

En peinture, cela crée une œuvre diverse et cependant stylée par le constant désir d’une beauté hors du commun, surprenante.

Questions dangereuses : Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’est-ce que la beauté ? Il n’est pas dit que nous devions chercher la beauté traditionnelle en ces toiles, de même que Duchamp refusait l’admiration, la contemplation devant ses ready-made.

Définir la beauté selon nos regards coutumiers serait avouer notre myopie face à ces clins d’œil aux grands inspirateurs, se réduire à un ensemble d’habitudes du regard et de la pensée, au nom de la raison, laquelle n’a rien à faire ici. Cela serait passer à côté de ces innovations, de ces délires (de-lira)

Méfions-nous les limites de notre raison raisonnante !   Elle est une prison, une meurtrière qui assassine nos possibles, nos rêves, nous condamne à l’espace et au temps banals, aux pesanteurs de la terre, aux normes d’un univers prosaïque épris de rentabilité et d’explications rassurantes, sclérosantes.

L’œuvre de la Minillo est un acte lyrique, poétique. Une harmonieuse ouverture aux rêves, à un au-delà du réel. Grâce aux stimuli des grands modèles, elle crée une autre réalité qui devient non seulement possible, mais désirable, parce qu’elle nous fait oublier nos pesanteurs, nos grisailles, celles de notre réalité quotidienne.

Entrer dans cet univers, c’est donc guérir de nos habitudes, de notre raison toxique, sortir du confort de notre prison coutumière. C’est croire en autre chose qu’en nos repères faciles, usés jusqu’à la corde.

Se demander ce que cela signifie, c’est se livrer, sans réfléchir, à nos limites et à nos impuissances (parce que la beauté n’a pas besoin de justification logique, comme la beauté de la rose est sans raison, sans pourquoi…(poète mystique allemand Angelus Silesius XVII° siècle )

Laissons-nous faire par la réalité de ce théâtre magique, surréel, plus beau que l’ordinaire, plus durable que notre bas-monde, fondé sur les pouvoirs de l’imagination, la reine des facultés pour tout créateur qui se respecte.

Alors, apprécions ces délires, demandons-leur la déraison qui nous ouvre les portes de la connaissance, laissons-nous guider par ce que nous ne comprenons pas. Et nous serons guéris de nos limitations pesantes. Et nous serons lyriques, comme ces toiles, capables d’émerveillement comme les vrais enfants.

Exemples de ces variations quasi musicales sur un thème donné : le verre d’absinthe de Picasso remplacé par un œuf au plat qu’aperçoit la mère poule, comprenant la « disparition de ses enfants ».  = Un Picasso et un Minillo ! Hybride en nouveauté.

Ou ces grandes baigneuses entourées par les échos du Yellow Submarine… ou cette Sainte offrant son cœur et sa cervelle,(au sens propre ! = sa foi et sa pensée) ou cette autre adorant une bouteille de Coca-Cola. On a les saints que l’on mérite ! Ce mixte, ces collages, sont joyeux ; c’est ce qu’on appelait au Moyen-Âge une fatrasie, cocasse, souvent iconoclaste et déjà surréelle.

Dernier exemple de cet effet magique et créateur : un texte poétique inspiré par cette toile intitulée « Les Ailes du Désir » allusion au génial film de Wim Wenders, dont j’ai fait ma propre lecture. (une trapéziste ailée > Léda princesse séduite par Zeus devenu cygne) Mais chacun est libre de monter à bord du Sous-marin Jaune, et de s’envoyer en l’espace onirique !

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