ALAIN CARRON & GUY LAFOND

Vernissage de l’Exposition Alain Carron et Guy Lafond à la galerie d’art et d’or de Châtillon sur seine le samedi 6 septembre 2025

GUY LAFOND par MICHEL LAGRANGE

Avant de pénétrer dans cette Galerie qui nous est si chère, on est aujourd’hui accueilli par un athlétique soldat romain, qui rêve aux chevaux de son quadrige ! Et puis on entre et on regarde, en s’adaptant.

Il y a deux types de regards, deux types de lecture, quand on entre dans une galerie d’art. Le regard de renseignement, selon lequel nous lisons les journaux par exemple, superficiel, prosaïque, interrogeant l’œuvre exposée de loin ; et le regard artistique, selon lequel nous interrogeons un poème, une œuvre d’art, qui mobilise une part bien plus importante de notre esprit, qui entre en relation avec l’œuvre exposée, qui la questionne, l’approfondit, et cherche à la comprendre. C’est de ce regard qu’il s’agit quand on se veut un visiteur qui se passionne pour les œuvres exposées. Ce regard est aussi celui de l’artiste, face à son matériau premier.

Guy Lafond est un questionneur, un accoucheur. Il s’adresse aux arbres et il leur demande la permission de délivrer du tronc d’un arbre un personnage qui attendait sa liberté. Il y a de la fantaisie dans ses sculptures qui comprennent le sens du bois, la montée sensuelle de la sève humaine, la direction humoristique d’un geste créateur, féru de perspectives humaines.

Il y a de l’humour dans cette sculpture, de la tendresse. Laisser s’exprimer le bois demande une sensibilité respectueuse. Sculpter le bois, c’est comprendre l’arbre, le sens de sa vie, sa quête de l’altitude, c’est puiser son inspiration dans la matière et en dégager l’esprit. Par exemple cet envol de douze oiseaux « qui forcément me parleront de poésie ». Au-delà de la belle apparence, Guy Lafond nous parle de notre temps. Il nous appartient de comprendre que cet art de beauté est aussi un regard sur notre monde et sur ses dangers. Ce faune robotisé à l’entrée de cette salle n’est-il pas l’expression de l’ensauvagement de l’homme soumis à une Intelligence Artificielle ? Il y a dans ces sculptures un amour de la vie, sans les beautés narcissiques de la démesure humaine. Sculpter, c’est dialoguer, instruire, et plaire.

Je sais que Guy Lafond sculpte la neige et la glace, à la façon des asiatiques, ou des Chinois. C’est un bel hommage à la création pure que cet art de l’éphémère, sans le souci prégnant de l’immortalité. Créer pour le besoin, pour le plaisir de créer. Même si l’on sait que ce qui a été sculpté pour quelques heures ou quelques jours demeure dans l’esprit, dans la réalité spirituelle à tout jamais.

Quel que soit le matériau utilisé, il s’agit de quêter l’harmonie. Faire sortir d’un tronc d’arbre un personnage dont on oublie bientôt qu’il est de bois. Là aussi, nous nous trouvons devant un univers sain, innocent, respectueux, heureux d’être et de donner à autrui la sève du travail méticuleux, à la recherche de l’humain fondamental.

ALAIN CARRON par MICHEL LAGRANGE

Alain Carron est l’auteur de nombreuses toiles, mais d’un seul état d’esprit : une grâce enfantine, créatrice d’un univers autant intérieur qu’objectivé. Il appelle son art un « imaginaire burlesque ». Donnons à cet adjectif le sens qu’il a dans le cinéma burlesque si l’on veut. Je lui adjoindrais d’autres adjectifs : farcesque, baroque, extravagant, ludique, onirique, délirant… Il s’agit d’un univers de totale liberté où l’imagination créatrice est bien la reine des facultés, celle qui abolit le temps, la logique, la raison, la prose sévère des gens sérieux, que dénonce Saint-Exupéry dans son « Petit Prince ».

On est dans un monde d’enfance, dans un art de l’enfance, dans l’univers d « Il était une fois ». Ici, peu d’ombres, pas de pesanteur, pas de sérieux à col dur ! Et tout devient possible dans ce monde des contes enfantins échevelés. Au-delà de cette extravagance, il est possible de déceler quelques leçons morales : soyez libres, osez croire à la déraison, soyez poètes ! Cela veut dire : méfiez-vous du dictat de la raison cartésienne, de la logique aux rigueurs inhumaines ! Si vous vous fiez à votre âme d’enfance, tout devient possible, vous êtes en liberté créatrice, vous êtes victorieux du temps, du réel, du sérieux de l’histoire humaine. Le titre d’un tableau me paraît résumer cet état d’esprit « I have a dream ». On croit rêver ! Ici, on joue avec les mots, on donne des leçons de vie. Par exemple, le monde récurrent des livres : un univers enchanté, magique, mais aussi une exigence d’ascension intellectuelle, un dépassement de soi, sans lequel on n’est que platitude et songe-creux.

Car il s’agit de rêver à haute voix, de jouer avec les mots, de livrer nos soucis à des livres d’images, de redevenir un enfant. Cette peinture précise, colorée, minutieuse autant que ludique fait sourire et même rire, comme certaines musiques de Chostakovitch. Pas une once de méchanceté ici, mais un monde de l’innocence.

Ce serait du Jérôme Bosch, sans le péché originel. Un univers paradisiaque, sans les flammes de l’enfer. Sans l’ombre d’un Narcisse.

Méfiez-vous ! Si vous pénétrez dans cet univers, vous y serez bien, à votre aise, mais le retour à la réalité d’un monde anxiogène risque d’être douloureux ! Mais qui ne risque rien n’a rien. Et cela vaut le voyage au pays de l’enchantement.